UNE RÉVOLUTION SOURIANTE – 2ÈME PARTIE : COVID CONTRE HIRAK

Date : 9 juin 2020
| Chroniqueur.es : Mokhtar Liamini
Catégories :

LE FACE À FACE, DÉCRIT DANS LA 1RE PARTIE DE CET ARTICLE, ENTRE LE PEUPLE ET LE RÉGIME ALGÉRIEN A ÉTÉ PERTURBÉ PAR UN INTRUS MAJEUR. L’IRRUPTION DE LA PANDÉMIE DUE AU VIRUS COVID-19 A ÉTÉ L’ÉVÉNEMENT QUI A TOTALEMENT BOULEVERSÉ LE STATU QUO QUI SE METTAIT EN PLACE APRÈS L’ÉLECTION CONTESTÉE DE DÉCEMBRE 2019.

Arrêt des marches hebdomadaires
Cela faisait plus d’un an que les Algériens sortaient massivement chaque mardi et vendredi, dans la plupart des villes, crier leur ras-le-bol du régime aux commandes depuis 1962. Rien n’avait jusque-là arrêté les marcheurs : intempéries, canicules, jeûne du Ramadhan, répression violente. Mais avec l’arrivée du virus, l’impensable a eu lieu : les Algériens sont rentrés chez eux. Il y a eu quelques hésitations de la part d’une minorité d’irréductibles ou d’inconscients, mais en définitive la majorité des Algériens n’a pas attendu les mesures gouvernementales pour de son propre chef décréter une trêve. Fait impensable auparavant dans une société conservatrice, après quelques hésitations, les mosquées ont également fermé leurs portes et les pratiquants ont été invités à faire la prière à la maison.

Chute des cours du pétrole
Une crise économique était déjà attendue en Algérie avant l’arrivée de la pandémie. L’effondrement des cours des hydrocarbures dont l’Algérie dépend totalement est un autre coup dur pour une économie qui exhibait déjà de larges failles. Le pouvoir exécutif devra manoeuvrer avec une marge très réduite dans un contexte où de larges secteurs sont paralysés par le confinement et où des flambées des prix des denrées essentielles sont observées.

Un régime qui en profite pour réprimer
La suspension des marches hebdomadaires est apparue comme une véritable opportunité pour le régime algérien de tenter de reprendre le contrôle de la rue. Depuis le début du confinement, de nombreux activistes, figures connues ou jeunes militant sur les réseaux sociaux ont été jugés et condamnés pour atteinte à l’unité nationale. Le Comité National de Libération des Détenus, CNLD, compte environ soixante prisonniers politiques en mai 2020. Il est cependant peu probable que cette répression produise l’effet escompté à en juger par la fébrilité palpable sur les réseaux sociaux.

Le confinement et après ?
À l’heure actuelle, le confinement est en vigueur sur tout le territoire algérien avec des règles plus strictes dans certaines régions où des foyers de contagion ont été détectés. Les Algériens dans leur grande majorité semblent se plier aux règles de confinement en dehors de quelques scènes de panique autour de denrées alimentaires. Il reste que pour certains Algériens à faibles revenus, il est très difficile d’appliquer des règles de distanciation sociale lorsque des familles très nombreuses vivent dans des appartements exigus. Avec une économie à l’arrêt, une chute des cours du pétrole, le pays retient son souffle. Dans un contexte mondial totalement incertain quelles sont les perspectives ?

Plusieurs facteurs sont à observer dans les prochains mois pour tenter des pronostics. Sur le front intérieur, la capacité des autorités à gérer la pandémie et la situation économique seront les deux baromètres utilisés par les Algériens. Jusqu’à maintenant, les autorités se glorifient d’un bilan positif en ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire. Sur le terrain cependant, de nombreux dysfonctionnements sont constatés à chaque jour dans un système de santé affaibli par des décennies de mauvaise gestion. Le régime est aussi face à un dilemme important entre, d’une part, prétexter de la situation sanitaire pour tenir le peuple confiné et, d’autre part, la nécessité de déconfiner pour relancer l’économie. De fait, tôt ou tard il faudra assouplir les règles et il est très probable que la contestation commencera en même temps que l’activité économique, puisque le peuple n’a pas obtenu les changements majeurs réclamés.

Ensuite, l’Algérie est reliée à de nombreux pays, économiquement, culturellement et stratégiquement. Il ne fait nul doute que le monde entier vit présentement une période de transformation majeure et rapide. L’économie mondiale subit de larges contrecoups, les alliances stratégiques d’hier sont remises en question. Il y aura donc très certainement une large redistribution des cartes au sortir de cette crise mondiale. Est-ce que le régime pourra continuer de compter sur ses alliés traditionnels pour se maintenir contre la volonté du peuple? Ce sera une autre inconnue à considérer dans cette équation.

Une certitude demeure dans cet océan d’inconnues: les Algériens reprendront leur lutte pour une véritable démocratie avec une vigueur inentamée, voire renouvelée, aussitôt que les circonstances le permettront.

Partagez :

facebook icontwitter iconfacebook icon