Paradoxalement, l’histoire de la lutte à l’origine du 1er mai est nord-américaine dans le seul continent au monde où c’est plutôt la fête du Travail en septembre qui est soulignée et fériée, sans avoir du tout la même signification. Il s’agissait d’une tentative, réussie, des élites patronales et politiques de donner congé à la main-d’œuvre le premier lundi de septembre. On oublie que c’était pour calmer la grogne suite à une grève des cheminots réprimée durement par l’armée à Chicago en 1894 causant la mort de 13 grévistes.
L’histoire du 1er mai est aussi liée à la ville de Chicago qui représente une forte concentration ouvrière. Le 1er mai 1886 est lancé un mouvement de grève générale qui est le point culminant d’une longue lutte revendicative pour obtenir la journée de 8 heures de travail. Le 3 mai, la police ouvre le feu suite à des affrontements entre grévistes et briseurs de grève et deux travailleurs sont tués. Le lendemain, une manifestation est convoquée au Square Haymarket par des militants ouvriers anarchistes et une bombe explose près des rangs policiers et s’ensuivent des morts des deux côtés dans des affrontements.
Bien qu’on n’ait jamais pu identifier les auteurs de l’attentat, les autorités en profitent pour accuser huit militants anarchistes connus. Le procès sera bâclé et trois seront condamnés à perpétuité et cinq seront condamnés à être pendus. Ils seront connus sous le nom des martyrs de Haymarket. C’est en leur mémoire ainsi que pour encourager la lutte pour la réduction du temps de travail à huit heures par jour que fût adoptée en 1889 par la IIe Internationale socialiste à Paris la motion visant à tenir une journée de manifestation le 1er mai dans plusieurs pays à partir de 1890.
C’est en France en 1919 que le 1er mai devient pour la première fois une journée fériée. L’année suivante, la Russie issue de la révolution fait de même comme plusieurs pays par la suite tels que l’Italie, l’Allemagne et Cuba après la révolution de 1959.
Au Québec, c’est en 1906 qu’a lieu la première manifestation du 1er mai. Elle est organisée par des ouvriers et des ouvrières socialistes et anarchistes. Plusieurs sont de religion juive et d’origine est-européenne une coalition se forme avec leurs camarades francophones (dont le plus connu est Albert St-Martin) et anglophones. Cette tradition perdura jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale avec beaucoup de répression et d’hostilité non seulement du patronat anglo-saxon, mais aussi des secteurs nationalistes conservateurs catholiques.
Il faudra patienter jusqu’en 1972 pour que le 1er mai soit souligné de nouveau dans les rues par les syndicats qui sont alors impliqués dans plusieurs conflits de travail. Depuis ce temps, avec une participation et une intensité variable, se tiennent des manifestations et des rassemblements tous les 1ermai au Québec. À Sherbrooke, la tradition existe depuis 1982 et c’est le travail intersyndical et populaire autour de campagnes et d’actions communes qui mènera à la mise sur pied permanente de Solidarité populaire Estrie quelques années plus tard.
La fête du Travail contient donc une histoire de lutte, mais ce n’est pas le mouvement ouvrier qui l’a initiée et qui a porté sa mémoire comme c’est le cas pour le 1er mai. De plus, célébrer les luttes des travailleurs et des travailleuses ne signifie pas la même chose que de célébrer le travail.
Le 1er mai souligne ces personnes qui travaillent la terre, les machines ou qui offrent des services qui font fonctionner la société. Trop souvent dans l’ombre, leurs activités enrichissent une minorité possédante qui les emploient. Le 1er mai souligne donc nos luttes pour améliorer les conditions de travail et plus largement les conditions de vie du plus grand nombre, et ce, aujourd’hui comme hier, ici comme ailleurs.
C’est pourquoi il est primordial pour l’ensemble des travailleurs et des travailleuses de tous les secteurs de participer aux activités du 1er mai et de mettre de l’avant nos revendications: des services publics gratuits, accessibles et de qualité, des bons emplois liés à une économie durable, des conditions de travail décentes et sécuritaires, l’assurance-médicaments publique et universelle et la lutte aux paradis fiscaux.
C’est également l’ensemble de la classe ouvrière qui est défendue le 1er mai incluant les personnes au chômage, à la retraite et qui vivent différentes oppressions comme le sexisme, le racisme ou l’homophobie qui sont conviées à défendre leurs droits pour qu’ensemble, nous soyons uni.es contre l’exploitation, les inégalités et l’injustice. Pour un Québec qu’on veut, en santé, éduqué, digne et égalitaire!