« La réconciliation est morte ». C’est par ce dur et véridique constat que les matriarches Unist’ot’en ont brûlé dans le feu sacré une banderole portant ces mots sur un drapeau canadien. Juste avant qu’elles soient arrêtées sur leurs propres terres le 10 février dernier.
Les paramilitaires de la GRC ont agi illégalement pendant une cérémonie d’appel aux ancêtres et pour honorer les filles, les femmes et les personnes des deux esprits autochtones disparues et assassinées. Les photos et les vidéos montraient les robes rouges, symboles de ces personnes disparues ou assassinées, au vent pendant l’opération policière. Elles étaient retirées ensuite par des membres de l’équipe de construction du gazoduc qui accompagnaient la GRC durant l’invasion. La violence coloniale envers les territoires et envers les femmes est intime¬ment liée et continue.
Vingt-huit personnes ont été arrêtées par la GRC du 6 au 10 février dans l’opération d’agression contre les campements de protection des terres Wet’suwet’en. Dans ce qui représente une couche additionnelle de violence coloniale qui viole les lois Wet’suwet’en, canadiennes et internationales. Ces lois exigent le consentement des gouvernances traditionnelles à des projets sur les territoires ancestraux, pas simplement une consultation. L’illégalité canadienne c’est de faire appliquer par la force une injonction ordonnant le « nettoyage » des territoires Wet’suwet’en pour construire le gazoduc de la compagnie CGL (TC Energy, anciennement TransCanada). Et ce un an après une invasion où 14 personnes avaient été arrêtées en janvier 2019 pour une injonction similaire.
Il est nécessaire de savoir que les territoires de la Nation Wet’suwet’en n’ont jamais été cédés par aucun traité. Les conseils de bande, institutions de gouvernance liées à la colonisation, n’ont autorité que sur le territoire des réserves. Les chefs héréditaires, qui ne sont pas des « monarques » comme plusieurs le laissent croire, ont autorité sur les terres ancestrales. Dans le cas des Wet’suwet’en ce sont 22 000 km² à protéger dans un souci générationnel bien plus long et profond que le rapport financier du dernier trimestre. Et dans un sens d’appartenance aux écosystèmes qui est très loin de la possession et de la supériorité au bénéfice des humains et dans les faits au bénéfice de certains humains… À l’heure où les changements climatiques et la pollution affectent grandement la vie, cela devrait résonner pour quiconque se soucie des droits humains et de l’environnement.
Élan de solidarité et actions pour « bloquer le Canada »
À Sherbrooke, située en territoire abénaki non cédé, une action de solidarité réunissant 80 personnes s’est tenue le 10 février. Organisée par l’Indigenous Cultural Alliance (ICA) de l’Université Bishop’s et par le collectif Solidarité sans frontières, l’action s’est ouverte par une cérémonie de Quentin Condo qui est un artiste et militant de la Nation Miꞌgmaq. Des membres des Premières Nations, porte-paroles de l’événement, ont pris parole ensuite ainsi que le porte-parole de la campagne contre le gazoduc Goldboro et celui des Artistes pour la paix. Puis, le rassemblement a pris les coins du quadrilatère formé des rues King et Belvédère avec bannières, tracts à distribuer et slogans entonnés pour alerter la population sur la situation. « Pas de pipelines sur des terres volées! », « GRC dehors! ». « CGL dehors! » et « No consent, no pipelines! » ont été parmi les slogans entendus pendant plus d’une heure.
Des actions de solidarité partout au Canada ont eu lieu, notam¬ment: blocage des chemins de fer par la communauté mohawk de Tyendinaga et par celle de Kahnawake, par la communauté mi’gmaq de Listuguj et dans la région de Toronto; blocage du port et des trains de banlieue à Vancouver par des Autochtones et des allié·e·s; blocage du port de Prince Rupert par la Nation Gitxsan; occupation de l’Assemblée législative à Victoria; blocage des ponts frontaliers à Niagara Falls et près de Kingston; blocage du pont de la Confédération menant à l’Île-du-Prince-Édouard. De nombreuses manifestations et des occupations de bureaux de ministres ont eu lieu en plus d’activités culturelles pour faire des levées de fonds.
Toutes ses actions méritent d’être reconnues comme des actions de solidarité avec la Nation Wet’suwet’en qui protège ses terres et non pas comme des perturbations économiques déconnectées de revendications politiques. Les inconvénients causés ne sont rien comparativement aux violences coloniales historiques envers les Autochtones. C’est par la force de la solidarité autochtone et alliée que les gouvernements et les compagnies se résoudront à cesser leurs violations des territoires. Il y a eu plusieurs actions égale¬ment au niveau international car le Canada et les compagnies ne peuvent plus cacher leur génocide à l’endroit des Premières Nations.
Un guide pour supporter la lutte des Wet’suwet’en pour la protection de leurs territoires:http://unistoten.camp/supportertoolkit2020/
Notes: Pour en savoir plus sur la structure sociale matrilinéaire de gouvernance de la Nation Wet’suwet’en:https://unistoten.camp/about/governance-structure/
2 La Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies, le droit canadien dans un jugement de 1997 et les lois Wet’suwet’en rendent obligatoire le consentement préalable, libre et éclairé des gouvernances traditionnelles sur les territoires ancestraux non cédés pour n’importe quel projet industriel.
3 On peut consulter le film Invasion: https://unistoten.camp/media/invasion/