Moi, le pot, j’ai toujours eu peur de prendre cela. Je me rappelle les annonces contre la consommation de drogue où on faisait cuire un œuf en disant que notre cerveau pouvait ressembler à cet œuf qui cuit dans le beurre. Juste l’idée de perdre des neurones et que ces neurones, contrairement aux autres cellules du corps, ne puissent pas être régénérés, me terrifiait.
Plus tard, quand j’ai accepté l’idée que l’excès d’alcool puisse être aussi dommageable pour le cerveau (comme j’aime bien l’alcool), je m’encourageais en disant: «de toute façon, j’ai trop de neurones! Je pense trop et ça me complique la vie! Si ça pouvait aider à libérer mon cerveau peut-être que mes connexions synaptiques s’en porteraient mieux au bout du compte!»
Je me rappelle, dans un party qui avait eu lieu chez notre voisin, de voir les yeux de ceux qui se gelaient, un peu à l’écart en haut des escaliers. Ils avaient des airs sataniques avec cette complicité inquiétante au milieu de la fumée. Je ne les comprenais pas. Il y avait tellement de fun à avoir lors de cette soirée pleine de monde, que de s’isoler ainsi, pour vivre un trip de boucane, pour moi m’apparaissait incompréhensible. Une partie en moi éprouvait de la pitié, et une autre partie était terrifiée à l’idée d’être dominé par leur insouciance et la singularité de leur désir.
Bref, comme pour la perte de ma virginité, il a fallu que je devienne un adulte avant de me permettre de connaître l’extase de la marijuana. Bien que le sentiment de soudaine intimité avec l’univers ait pu m’emplir de nouveaux questionnements, ma première vraie expérience fut en même temps une chute de rideau avec l’apparition d’aussi soudaines certitudes, comme la place qu’avaient pris dans mon cerveau toutes ces histoires de vie après la mort et le fait que malgré toute ma jeunesse et toutes mes bonnes volontés, l’anéantissement de ma personne et de mon être puisse être réglé comme une bombe à retardement, par cette mort qui se tient en face, et qui ne pourra éternellement être repoussée.
La chose à laquelle j’étais encore moins préparé, fut la réaction en chaîne que pouvait provoquer le THC dans ce cerveau qui est le mien, déjà naturellement débordant de dopamine, et la distanciation avec la réalité qui suit ce genre d’explosion: la rupture de la corde avec laquelle ma conscience s’était amarrée à ce monde, et la lente dérive qui s’en suivit, tel un radeau s’éloignant du large. Résultat: psychose à 25 ans! Un âge tout à fait normal pour faire une psychose, me direz-vous! Est-ce qu’après cette psychose et de m’en être sorti, j’ai cessé de fumer de la marijuana?
En réalité, je n’ai jamais été un fumeur de marijuana. Une dizaine de fois en tout dans ma vie… Mais, oui, il m’est arrivé de reprendre du THC. Dont une fois, au Mexique. J’avais attrapé un iguane et un individu m’avait interpellé dans la rue pour me proposer finalement de lui donner l’iguane contre du pot (motta). Et, comme je ne suis pas fumeur, j’avais mis le tout dans le fond d’une tasse, comme s’il s’agissait de grosses cuillers de café, que j’ai rempli d’eau bouillante. Fort, très fort. Je doutais de la force de l’infusion! J’aurais dû moins douter et en mettre l’équivalent d’une cuiller… ou moins!
Je vous raconte tout cela, car, cette façon plus douce de consommer le THC devrait être mise en valeur par le gouvernement. Car, je ne crois pas que le gouvernement se rende compte. Si les gens fument du pot, c’est parce que, culturellement, avant de prendre du pot, les jeunes fument des cigarettes et deviennent accro à la nicotine. Mais les chiffres aujourd’hui nous indiquent que seulement 15% de la population fume… Et chez les femmes, c’est encore moins: seulement 5% des femmes fument.
Alors voilà ma recommandation: si vous voulez vous geler, vous n’êtes pas obligés de vous étouffer à en fumer. Faites-vous une légère infusion!