Depuis quelques semaines, les médias rapportent un phénomène qui perdure depuis une dizaine d’années: le manque de ressources en hébergement pour les femmes vulnérables. Cette année encore, des organismes ont diffusé des publications afin de mieux cerner la problématique des logements pour femmes en situation difficile et sensibiliser la population à ses enjeux. Entre autres, l’organisme ConcertAction Femmes Estrie a présenté son état des lieux régional 2019. Portrait et vulgarisation de cette crise dans la région estrienne.
Types d’hébergements
D’abord, jetons un peu de lumière sur les différents types d’hébergement offerts aux femmes victimes de violence. Il existe le refuge d’urgence, qui accueille les femmes violentées, mais aussi toute personne ayant besoin d’un toit immédiat. L’hébergement offert est toutefois de très courte durée, d’un à trois jours. Puis, il y a les centres ou refuges d’urgence pour femmes. Ces établissements accueillent les femmes dans le besoin et leurs enfants jusqu’à 21 jours. Il y a également la maison d’hébergement ou refuge, qui offre un lieu sûr à court et moyen terme (d’un jour à onze semaines) aux femmes violentées et leurs enfants. On l’appelle aussi «maison d’hébergement de première étape». Finalement, on retrouve les maisons d’hébergement de deuxième étape, qui assurent un foyer d’une plus longue durée pour les femmes violentées, de trois à douze mois. Cet établissement offre également des services de soutien et d’aiguillage, afin d’aider les femmes à se trouver un logement permanent.
Il existe également des réseaux de maisons d’hébergement. Ces réseaux sont constitués de résidences privées dans les régions rurales ou éloignées qui n’ont pas de lieu d’hébergement complet fonctionnel. Ce type d’hébergement est auxiliaire et assure un logis aux victimes sur une très courte durée, pour un à trois jours. Sinon, d’autres établissements non classés offrent également un lieu sûr aux femmes victimes de violence familiale, comme les YWCA.
L’Estrie en crise
Entre 87% et 143%. Voici le taux d’occupation moyen des maisons d’hébergement en Estrie. Sur le territoire, plusieurs établissements se divisent la charge de travail, dont l’Escale de l’Estrie, la Maison Alice Desmarais, le Séjour La Bonne Œuvre et La Méridienne, entre autres.
Selon ConcertAction Femmes Estrie, la vague de dénonciations provoquées par le mouvement #Metoo et #agressionnondénoncée a levé un tabou qui a encouragé les femmes à s’émanciper et demander de l’aide. Ceci expliquerait la hausse du taux d’occupation des maisons d’hébergement dans la dernière année.
Les femmes immigrantes et les femmes sans statut sont de plus en plus nombreuses à remplir des demandes afin d’être logées dans les maisons d’hébergement. Selon une recherche publiée en 2016 par La Méridienne, plusieurs immigrantes ont un petit réseau social, et parfois il est même inexistant. Ainsi, ces femmes sont davantage isolées et souvent, une barrière langagière accentue ce fossé. Les femmes immigrantes sont sujettes à plus de vulnérabilité, car elles ignorent leurs droits dans leur terre d’accueil ou ne connaissent pas les services offerts par les communautés environnantes. Dans certains cas, une femme immigrante peut être en attente de statut ou être parrainée par son conjoint, il devient donc plus complexe de s’affranchir d’un partenaire violent.
Dans le contexte de la pénurie du logement actuelle au Québec, les premières personnes affectées sont les populations vulnérables, en particulier les femmes. En fait, les personnes qui ont le plus de difficulté à trouver un logement sont les femmes seules et les mères monoparentales. Même si ces dernières entreprennent des démarches afin de se trouver un domicile auprès d’organismes compétents, ceux-ci peinent à trouver des logis abordables qui répondent à leurs besoins, faute d’offres adéquates. Il arrive même que les femmes décident d’endurer la violence au foyer car elles ne peuvent pas déménager, car elles ont un faible revenu et qu’il y a peu de logements disponibles dans leur budget.
De plus, certaines ressources disponibles sont crucialement en manque de financement et ne peuvent plus répondre à la demande croissante d’hébergement. La Maison Marie-Jeanne, une maison d’hébergement nouvellement créée à Sherbrooke, éprouve déjà des problèmes financiers qui freinent sa mission d’aide et affectent sa possibilité de fournir des services. Selon la recherche de La Méridienne, il est arrivé que des maisons d’hébergement refusent leur aide à certaines femmes immigrantes, car la démarche de soutien demandait un service de traduction que les organismes ne pouvaient pas se permettre.
Voici donc un petit du débordement des maisons d’hébergement en Estrie. Pour en savoir davantage sur l’impact de cette pénurie de logis pour femmes en difficulté, voici quelques ressources qui pourront vous éclairer :
- La 5e Édition du dossier noir Femmes, logement et pauvreté du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), 2019.
- Le rapport de recherche Le sous-financement des maisons d’hébergement pour femmes : Facteur aggravant de la marginalisation des femmes immigrantes au Québec, par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), 2017.
- L’État des lieux sur les conditions de vie des Lavalloises : des enjeux sous enquête, par la Table de concertation de Laval en condition féminine, 2018.
- L’étude Une réalité urbaine : l’itinérance des femmes à Montréal, de Cynthia Lewis, 2016.