RICHELIEU (1/2)

Date : 30 août 2023
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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Le film coup de poing sort en salle dès le vendredi 1er septembre. Un prochain article, dès la semaine prochaine, nous amènera dans une discussion animée avec le réalisateur et scénariste Pier-Philippe Chevigny, l’actrice Ariane Castellanos et la productrice Geneviève Gosselin-G.

Une critique sans trop divulgâcher.

Une œuvre sociale courageuse qui prend aux tripes.

J’ai les mots. 

Là où il y a des êtres humains, il y a des injustices.

Au travers d’une piqure de rappel… Non, au travers d’une claque de rappel qui nous signifie que durant une dizaine d’années, le film Richelieu s’ancre durant les années Harper (2006-2015), nous faisons semblant ou omettant de ne pas nous interroger sur le quotidien des travailleurs sud-américains qui viennent par dizaine de milliers dans les fermes au Canada.  Semblant de ne pas nous questionner sur leurs conditions, eux qui vivent, pour certains, entassés dans des logements insalubres, qui vivent les interdictions de déplacement en dehors des fermes, qui vivent des temps de travail excessivement longs et le harcèlement, car « il y en a un paquet qui attendent après ta job. » … Pas si loin d’un esclavage.

Dans ce 4:3 étouffé par les maux de ce monde du travail agricole, le film Richelieu, premier long-métrage de Pier-Philippe Chevigny, est une bouche cinématographique qui refuse de se taire face aux injustices sociales vécues au Québec, face à la surexploitation « de l’homme par l’homme ». 

Il suffit d’un seul souffle pour lancer des débats, pour s’abattre sur la conscience collective, car si on veut faire taire les humains, le cinéma nous fait parler plus fort. 

Courageux, dans la manière d’aborder un sujet difficile, intransigeant, brutal.

« On ne peut filmer rien d’autre que la réalité concrète » Béla Tarr

Une réalité concrète qui montre l’humain comme un décor changeant et qui évolue au milieu des autres humains. Il y a une réalité cachée notamment dès la première image de nuit qui suggère que lorsque le Québec dort, on fait venir les travailleurs temporaires en catimini (« On va faire cela vite »).

C’est par le regard de Ariane, traductrice pour les travailleurs temporaires sud-américains embauchés dans une entreprise de transformation alimentaire qu’on apprend à connaître un système sur lequel on ferme les yeux. Un système qui va la transformer en la mettant face à des dilemmes, tant en s’éloignant de la condition des travailleurs en restant à sa place dans son rôle de traductrice, tant en la rapprochant des mauvaises conditions vécues par ces derniers et qui démontre qu’elle ne peut plus se cantonner à ce simple rôle pour défendre leurs droits. 

Outre le travail pointilleux de la direction photo (Gabriel Brault Tardif), de la direction artistique (Yola Van Leuweenkamp) ou de la création des costumes (Kelly-Ann Bonieux), le film en 4:3 nous accolent dans un récit maîtrisé où seuls comptent les corps. La réalité ne se perd pas un instant et ne se détourne pas au risque d’amoindrir le message ou l’atmosphère, car le réalisateur nous colle à ce quotidien. On vit inlassablement la situation des travailleurs temporaires à qui l’on refuse tout dans des lieux flous qui suggèrent une liberté restreinte, une solitude imposée. 

On décèle également de nombreux plans séquences avec une volonté de nous accrocher au rythme de la réalité sans faire des coupes dans le récit.

Une œuvre cinématographique est concrète également grâce à ces interprètes, grâce à la direction d’acteurs, porté à merveille par Ariane Castellanos (Les Honorables, Baby Boom…), Marc-André Grondin (C.R.A.Z.Y, Mafia INC., Le premier jour du reste de ta vie…), Nelson Coronado (Pet Sematary : Bloodlines, Transformers : le soulèvement des bêtes…), Ève Duranceau (Polytechnique, Mosaic, Hygiène Sociale…), Luis Oliva (Un justicier dans la ville, The Christmas choir…), Gerardo Miranda (Dos lunas…) Micheline Bernard (Mathias et Maxime, À propos d’Antoine…), Charlotte Aubin (Au revoir le bonheur, Les chambres rouges).

Un long-métrage qui rassemble autour d’une réflexion cruciale sur les droits de tous, c’est la capacité du cinéma, celui d’enlever le voile sur des situations (ou les flous), ouvrons grand les yeux, car au-delà de nos riches lieux, nos humanités s’appauvrissent.

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