Les organismes communautaires des quatre coins du Québec unissent leurs voix dans une grande campagne de mobilisation «Engagez-vous pour le communautaire». Leurs revendications? Des politiques pour réduire les inégalités sociales, un réinvestissement dans les services publics, la fin des compressions budgétaires, la reconnaissance de l’action communautaire et une bonification du soutien financier aux organismes communautaires pour répondre aux besoins criants de la population.
Pour rallier l’opinion publique derrière elle, une Ministre du gouvernement du Québec, en l’occurrence la Ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Lucie Charlebois, évoque que l’enveloppe budgétaire offerte par Québec pour les organismes communautaires a augmenté de 80% depuis 14 ans, soit depuis 2002. Et elle a raison.
Prenons le temps de comprendre ce que signifie ce pourcentage. Depuis 2002, première année de la mise en œuvre de la Politique de reconnaissance de l’action communautaire autonome, de nombreux organismes ont bénéficié d’un soutien financier accru. Ce que le pourcentage ne dit pas, c’est que le financement de la majorité de ces groupes était, à proprement parler, inexistant.
En traitant l’information en pourcentage, il est même possible de dire que des organismes ont reçu des augmentations de leur financement à hauteur de 700% dans certains cas! Voilà qui laisse sans mot, n’est-ce pas? Concrètement, en transformant le pourcentage en dollars, cela signifie qu’un organisme qui recevait 5000$ en 2002 et qui en reçoit aujourd’hui 40000$ a donc vu son financement augmenté de 700%. Mais est-il plus riche et capable d’agir en réponse aux besoins?
Et dites-moi madame Charlebois, comment vous y prendriez-vous pour réaliser une Mission, même dans un contexte minimaliste en ressources humaines et en assumant les coûts de gestion et d’administration (loyer, télécommunication, énergie, etc.), avec 40000$ annuellement? Sont-ce là les conditions dans lesquelles se trouve votre bureau de comté?
Rappelons également qu’en Estrie seulement, une douzaine d’organismes communautaires dont la Mission est reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux sont toujours en attente d’un financement. Ajoutons qu’une importante frange d’organismes évolue avec un soutien financier identique à celui d’il y a 8 ans, puisque non indexé. Soulignons finalement que les organismes communautaires, tous secteurs confondus, sont des acteurs majeurs du marché de l’emploi et qu’ils contribuent significativement à l’essor des différentes communautés de par leurs activités sociales et économiques.La même journée où Madame la Ministre Charlebois nous servait ses commentaires, l’Assemblée nationale du Québec adoptait à l’unanimité une motion visant à rehausser le financement des organismes communautaires. Le Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, monsieur François Blais, a également annoncé son intention de travailler en ce sens avec les organismes dans les prochaines années. La question qui demeure: mais au nom de qui parle donc la Ministre Charlebois? Comme quoi la parole est d’argent mais le silence est d’or.
Chirstian Bibeau est Directeur de la Corporation de développement communautaire (CDC) de Sherbrooke.