Notez que, pour faciliter la compréhension de l’enjeu, l’article se base sur une approche binaire et simplifiée des genres. La réalité du genre s’avère beaucoup plus riche et complexe de par la variété et la fluidité existante.
Si on remonte quelques décennies en arrière, le rôle de la femme était de s’occuper des tâches domestiques: prendre soin du nid familial, de la maison, faire à manger, faire le ménage, s’assurer que les besoins de tous soient répondus (souvent aux détriments des siens). Cette vocation domestique est ancrée par un apprentissage social des rôles sexuels. Plusieurs caractéristiques sont rattachées à ces rôles: l’aptitude de prendre soin, d’éduquer, l’empathie, l’écoute, l’oubli de soi, l’obéissance et la soumission. L’erreur sociétale est la suivante: nous associons ces caractéristiques à la nature féminine alors que nous devrions simplement les attribuer au rôle domestique dans lequel la femme a été enfermée. Il est important de mentionner que toutes les tâches en lien avec ce rôle n’ont jamais été rémunérées. Les femmes exercent donc un travail qu’on dit invisible.
Éventuellement, les femmes ont pu sortir de la maison et commencer à gagner un salaire comme leur mari. On ne se débarrasse pas d’une étiquette imposée si facilement ! Effectivement, les possibilités d’emploi des femmes s’élargissent, tout en restant dans le champ de compétence féminin (de gros guillemets sont importants) tels que la prise de soin, la subordination (infirmière, secrétaire) ou alors l’éducation (institutrice d’école).
Aujourd’hui, au Québec, les femmes ont accès aux mêmes domaines d’étude et emplois que les hommes et ont même le droit de travailler sans l’accord de leur mari depuis 1965. Cependant, en analysant l’occupation de genre du marché d’emploi, on se rend compte qu’il comporte des traces historiques qui ne peuvent pas être attribuées au hasard. En effet, les femmes occupent significativement plus les emplois où les caractéristiques féminines sont centrales. Encore une fois, le rôle sexuel qui leur fût imposé est utilisé pour justifier leur nature et les restreindre à un certain champ d’activité. Rôle sexuel qui a également servi à exercer une domination sur elles pendant des siècles et a été fortement encouragé par l’institution religieuse. Bref, bien que la réalité québécoise soit aujourd’hui toute autre et que l’Église ne restreint plus les femmes à la domesticité, encore est-il qu’elles représentent une majorité écrasante dans les domaines du caring comme la santé, l’éducation et les domaines sociaux.
On assiste, collectivement, à une dévalorisation de ces métiers si l’on pense aux salaires qui ne sont pas toujours à envier en comparaison avec ceux dans les domaines à prédominance masculine, aux conditions de travail beaucoup plus difficiles, à la négligence gouvernementale évidente, à la prise pour acquis générale dû à l’essentialité des tâches, à la glorification sociale beaucoup moins importante et, ce qui nous intéresse dans l’immédiat, la non-rémunération des stages pour la relève. L’ensemble de ces éléments fait en sorte que, dans l’imaginaire collectif, nous hiérarchisons défavorablement les métiers dits féminins. Bien que ce soit sans mauvaises intentions, le fait de dévaloriser les occupations d’un groupe a des impacts négatifs sur celui-ci et perpétue sa dépréciation.
En fait, la non-rémunération des stages s’inscrit même dans un enjeu d’équité salariale si on dépasse la prémisse voulant que : “ un salaire égal pour un travail égal” en avançant que: “un salaire égal pour un travail de valeur égal”. En effet, la première affirmation n’est pas universellement applicable puisque les hommes et les femmes tendent à occuper des emplois bien différents. La seconde veut que l’on compare la valeur d’un travail pour en décider de son salaire plutôt que les tâches qui le constituent. Donc, en octroyant un montant pour les stages dans les milieux majoritairement masculin et en ne le faisant pas pour ceux majoritairement féminin, on avance que le travail féminin possède moins de valeur que celui d’un homme.
Bien sûr, il est pratiquement impossible d’évaluer objectivement la valeur d’une tâche, mais une chose est certaine: la valeur du travail des futures infirmières, travailleuses sociales, psycho-éducatrices, enseignante et j’en passe, ne possède pas une valeur nulle (0 $) en comparaison à celle des futurs ingénieurs (domaine masculin) qui obtiennent des salaires allant jusqu’à 20 $ pour leur stage. Cette situation va à l’encontre même du principe d’équité salariale et encourage la précarité chez les étudiantes et nouvelles travailleuses qui sont beaucoup plus nombreuses à ne pas s’être fait verser un seul sous pour le travail effectué dans le cadre de leur stage.