Historiquement, ça fait très longtemps qu’on considère que la charge mentale de la contraception revient aux femmes.
On utilise souvent des arguments biologiques pour justifier cette pensée, comme le fait qu’en général ce sont les femmes qui possèdent un utérus et que c’est dans leur ventre que sera porté l’embryon. Mais, en réalité, les personnes qui possèdent un utérus ne sont fertiles qu’à certains moments précis dans un mois et pour une durée limitée, alors que les personnes qui ont un pénis, elles, le sont en général tout le temps (et presque toute leur vie).
Le marché de la contraception est presque entièrement orienté vers les personnes qui ont un utérus. Ce sont habituellement les femmes qui doivent consommer des hormones qui les rendent malades, endurer des procédures douloureuses ou se rappeler de prendre leur pilule à chaque jour, sans parler des frais que ces médicaments engendrent. Il y a à peine cinquante ans, les jeunes femmes qui devenaient enceintes avant d’être mariées devaient vivre leur grossesse dans la honte. Ou encore, faire affaire avec une « faiseuse-d’anges » au risque de ne pas s’en tirer vivante. Ne manque-t-il pas quelqu’un dans cette équation?
Quand j’étais plus jeune, je suis allée voir l’infirmière de l’école pour obtenir l’installation d’un stérilet. Je me souviens qu’elle m’a blâmée pour avoir eu une relation non protégée. Au lieu de me rassurer sur la suite des choses, elle m’a fait sentir irresponsable. Ce qu’elle ignorait, c’est que mon copain de l’époque refusait de porter un condom. Le condom, contrairement à bien d’autres méthodes de contraception, ne fait pas mal et ne coûte presque rien. J’étais jeune et je ne m’étais pas fâchée contre lui. J’avais tout simplement « pris mes responsabilités » car lui n’avait pas pris les siennes. Comment se responsabiliser dans une société qui n’a jamais responsabilisé les hommes cisgenres dans leur sexualité?
Les personnes qui s’opposent à l’avortement devraient aussi militer pour la vasectomie, pour l’accès gratuit aux méthodes de contraception, pour le financement de la recherche en santé sexuelle et pour des campagnes d’informations sur la contraception. Or, ce n’est pas du tout le cas, ce qui prouve leur mauvaise foi. Ces personnes font montre de leur vision limitée du monde et ne comprennent pas, de toute évidence, que même si les avortements sont illégaux, ils auront toujours lieu mais dans des conditions qui mettent en danger la vie des personnes qui ont un utérus.
Enfin, comme l’une de nos grandes féministes québécoises Louky Bersianik l’a dit, si ces individus « ont un tel respect pour la vie embryonnaire, c’est parce qu’ils ont un respect embryonnaire pour la Vie ». Le droit à l’avortement, même si c’est un droit de base, sera toujours remis en question. Après quarante ans de luttes féministes, c’est insultant.