Un cabinet est « une petite pièce située à l’écart; un lieu où l’on se retire » selon la définition du dictionnaire Le Robert. Un directeur de cabinet est un personnage de l’ombre dans le monde politique et son rôle central se réalise dans une certaine discrétion du grand public. Le congédiement de Claude Dostie, directeur de cabinet de la mairesse de Sherbrooke Evelyne Beaudin, a tenté de se faire également en toute discrétion. L’annonce par la mairesse au détour d’une entrevue au 107.7 Estrie évoquait un « divorce » sans plus de contexte. Aucun communiqué de presse n’a été publié pour officialiser le départ du directeur de cabinet, le mot de « congédiement » n’a pas été prononcé, et selon nos informations les élus de Sherbrooke Citoyen ont été informés une fois la décision prise.
Les explications de la mairesse sur l’éviction de son directeur de cabinet étaient tellement sibyllines et vaseuses qu’elles ne pouvaient cacher le réel malaise et l’incompréhension provoqués par cette décision. En effet, la collaboration entre Claude Dostie et Évelyne Beaudin ne date pas d’hier. Elle a débuté dans la mobilisation face à l’administration du maire Bernard Sévigny et cette mobilisation débouchera sur la fondation du parti municipal Sherbrooke Citoyen. Évelyne Beaudin en sera la première élue, comme conseillère municipale du District du carrefour en 2017, et Claude Dostie deviendra de directeur de cabinet de l’opposition officielle. À ce poste, il aura à son actif plusieurs coups politiques qui rendront chèvre le maire Steve Lussier et nombre de conseillers indépendants. Comme exemple le plus retentissant, le jugement de la Commission municipale du Québec qui invalidera la décision du Conseil municipal d’accepter un projet de construction immobilière dans un milieu humide en dehors du périmètre urbain de la ville à l’encontre de son propre schéma d’aménagement. Pendant les quatre ans de l’administration Lussier, Claude Dostie et Évelyne Beaudin vont tous les deux secouer fortement les pratiques et les habitudes d’un Conseil municipal que l’on a pu voir daté et dépassé. La table était ainsi mise pour réaliser le tour de force de faire élire Évelyne Beaudin à la Mairie ainsi que six conseillers et conseillères badgés Sherbrooke Citoyen lors de la dernière élection. Comme cela a été souligné par de nombreuses personnes suite à l’annonce de son congédiement, ce succès doit beaucoup au travail de M. Dostie.
Lorsque l’on résume les liens entre Claude Dostie et Évelyne Beaudin, ainsi que son rôle dans l’orientation politique et l’organisation stratégique de Sherbrooke Citoyen et de la gouvernance Beaudin, on comprend que son congédiement est tout sauf anecdotique et interroge sur la suite de la politique mise en œuvre à l’Hôtel de Ville. Depuis l’annonce de son congédiement, Claude Dostie n’a fait aucune déclaration publique pour préciser la nature de cette rupture. Cependant, les « dires disent », et ils ont pu être vérifiés, que son éviction viendrait d’une attitude de power-trip de plus en plus oppressante de la part de la mairesse, ce qui semble malheureusement rendre justice aux plus mesquines caricatures qui sont faites d’elle.
Le point positif est que la rupture ne soit pas pour des raisons politiques et que la ligne et le programme sur lequel la mairesse et ses conseillers et conseillères ont été élus ne sont pas remis en cause. En revanche, Sherbrooke Citoyen a émergé face à la gestion autoritaire de M. Sévigny pour proposer une nouvelle méthode de gestion des affaires municipales basée sur la participation citoyenne et la transparence. De plus, une des spécificités de Sherbrooke Citoyen comme parti municipal est qu’il ne s’agit pas d’une écurie pour porter un chef de notables au pouvoir, mais d’une construction par la base pour offrir des débouchés politiques aux aspirations des citoyens et citoyennes. Si la mairesse Évelyne Beaudin est bien atteinte de la folie des grandeurs et ne peut soutenir la contestation émanant de son propre camp, combien de temps encore les élus de Sherbrooke Citoyen et leurs membres soutiendront-ils sa politique? Pour redescendre sur Terre, la mairesse devrait se rappeler qu’elle doit son élection avant tout à une énorme mobilisation de son électorat qui a adhéré au message de transparence et de participation citoyenne. La trahison est une figure quasi imposée en politique, mais la trahison des électeurs et électrices est un pari plus que dangereux pour l’avenir. L’élection de Sherbrooke Citoyen a indéniablement changé l’état d’esprit au sein du Conseil municipal, plus en phase avec les enjeux actuels et de la population. La lune de miel vient de s’achever, et on ne sait pas encore sur quoi elle va déboucher.