L’année 2023 s’est amorcée avec les mêmes défis en économie, en santé, en logement et en éducation. Fini les chèques du gouvernement pour tout le monde, ça prend des mesures structurantes. Mais que dit le bilan du premier mandat de la Coalition avenir Québec sur les grands projets de société ?
Il y a quelques mois, une situation m’a confronté avec force à la réalité. Ce matin-là, je me rendais à l’université pour y prendre un autobus qui me mènerait vers une fin de semaine de formation tout inclus. Alors que je sortais, un peu pressé, j’ai été stupéfait de constater qu’une personne en situation d’itinérance avait passé la nuit étendue sur le sol du couloir de mon bloc-appartements, juste au bas de l’escalier qui mène à mon logement. L’homme dormait encore et, dans mon empressement, je n’ai pas su comment réagir. Je n’ai donc pas réagi. Dehors, le sol était couvert de givre. C’était le retour des temps froids. J’ai ravalé mon inconfort et je m’en suis allé là où on m’attendait.
Durant la journée, j’ai appris que deux policiers sont venus rencontrer l’homme, probablement des suites de l’appel d’un locataire. Les deux « gardiens de la paix » se sont moqués de l’homme en évoquant des enjeux de santé psychologique auxquels celui-ci faisait face. Ils l’ont insulté en mentionnant ses problèmes de dépendance. Ils l’ont menacé de lui donner une contravention qu’il ne pourrait probablement jamais rembourser. Puis, après s’être assurés de lui avoir rappelé son rang, après avoir parlé assez fort pour être entendus de tous, ils l’ont jeté dehors. Dans cette partie du centre-ville de Sherbrooke, l’itinérance est côtoyée au quotidien.
On se dit alors que quelqu’un d’autre s’en occupera, que ce n’est pas notre rôle. Interviennent alors les personnes travailleuses sociales, travailleuses de rue et professionnelles du milieu communautaire qui sont au front pour constater et combattre les répercussions de l’indifférence de notre société.Elles doivent faire des miracles avec de risibles financements, qui n’ont d’égal que les conditions salariales méprisantes dont elles disposent. Ces personnes travailleuses de l’ombre soutiennent, tant bien que mal, les personnes les plus démunies d’une société qui détourne le regard. Elles font ce travail de remaillage d’un tissu social magané, d’un filet social percé, parce que, comme le dit Émile Bilodeau, « On pogne pas grand poisson dans le filet social ».
Quelques jours plus tard, le propriétaire de mon appartement fera installer un système de « sécurité » à l’entrée, pour s’assurer que plus aucune personne ne dorme au bas des escaliers, pour s’assurer que nul ne trouble la paix de ceux qui peuvent se payer un logement, pour s’assurer que les plus vulnérables restent dehors. Cet hiver, Sherbrooke a connu des journées de froid extrême où la température ressentie avoisinait les -40 degrés Celsius. Qui sait où se trouvait l’homme que j’ai croisé au bas de l’escalier ?
Il faut se rendre à l’évidence, chacun est vulnérable aux yeux d’un autre, et personne n’est à l’abri de jours difficiles. S’acharner sur les plus vulnérables est une chose insensée, non pas par bonté d’âme ou pour de quelconques considérations éthiques. Cogner sur les plus faibles est inconsidéré parce qu’il y aura toujours plus fort que soi pour suivre sa propre logique. En tendant la main, cela laisse place à ce qu’un bras plus fort que le nôtre nous rende la pareille le moment venu. Permettons-nous de rêver d’un monde dans lequel on prendrait soin des plus vulnérables, parce que le rêve vient toujours avant le lever du jour.