La campagne électorale provinciale qui débute devrait voir les enjeux socio-économiques au cœur des débats entre les différents partis et candidat.e.s. Alors que la crise socio-sanitaire s’estompe, nous faisons face à une triple crise qui impacte nos vies quotidiennes : crise du logement, inflation forte, et crise de la main d’œuvre. Chacune de ces problématiques peut s’expliquer en partie par des causes spécifiques : surchauffe immobilière pendant la pandémie et manque d’investissement dans la construction de logements à prix encadrés; guerre en Ukraine et raréfaction de l’ensemble des matières premières; reprise forte de l’activité économique postpandémie et départ à la retraite de la génération des baby-boomers. Ces trois crises sont également interdépendantes et font système. Le gouvernement de F. Legault a voulu répondre en priorité à l’augmentation des prix du carburant en offrant un chèque de 500 $. Mais est-ce qu›un chèque sporadique pour traiter un enjeu structurel ?
Finalement, la grande absente des débats sur ces trois crises est la question des salaires. Depuis le tournant libéral des années 80, seule la « compétitivité » des entreprises est considérée dans les politiques économiques, selon le paradigme que ce sont les entreprises qui créent de l’emploi et qu’il faut donc leur donner un maximum de champ libre. Selon ces principes, les différents gouvernements ont préféré diminuer les impôts plutôt que d’augmenter les salaires. De cette manière, la marge des entreprises est protégée, et le maintien des revenus est en partie transféré aux comptes publics qui eux s’amenuisent. La crise de la main d’œuvre est aussi une crise des salaires et des conditions de travail. Les secteurs les plus touchés par le manque de personnel – santé, restauration, travail manufacturier – sont les secteurs qui présentent les conditions de travail les plus difficiles, que ce soit en termes d’horaires, de rémunération ou d’avantages sociaux. Lorsque l’intégralité du pays s’est arrêtée avec le 1er confinement, nous avons réalisé de quels travailleurs et travailleuses nous dépendions pour notre vie quotidienne. Il est donc temps de valoriser les conditions des « travailleur.euse.s essentiel.l.es ».
Cette campagne législative doit être le moment où la grille des salaires, du salaire minimum aux salaires les plus élevés, doit être débattue. La revendication du salaire minimum à 15 $/h est portée par de nombreux organismes sociaux et syndicaux depuis presque 10 ans. Il est rendu actuellement au Québec à 14,25 $/h alors que l’inflation est de 8,0 %. En résumé : rien n’a été fait pour permettre aux personnes avec les plus faibles salaires de vivre dignement de leur travail, et donc librement. Dans le même temps, les baisses d’impôts bénéficiaient surtout aux personnes aux plus hauts revenus, au détriment de l’ensemble de la collectivité, creusant ainsi les inégalités sociales.
Au centre des débats électoraux devrait donc se trouver la hausse du salaire minimum à 18 $/h ou au-delà comme portée par la FTQ. Cette hausse des salaires doit aussi s’accompagner de l’amélioration des conditions de travail. Une politique salariale ambitieuse devra également reconsidérer les plus hauts revenus en les diminuants par le biais de l’impôts. Car il est temps de se souvenir de la pandémie : ça n’est pas le salaire qui fait la valeur du travail. Et si les emplois les plus rémunérés demandent de hautes qualifications, une charge de travail forte, et des responsabilités conséquentes, il n’y a aucune activité sur Terre qui justifie d’être payé 50 fois plus que celle qui lave des malades ou que celui qui remplit les rayons d’épicerie. On pourrait même ajouter que réduire les hauts salaires serait une mesure salutaire pour la planète et le climat, car lorsqu’on en arrache pour payer son toit et sa bouffe, il n’en reste plus beaucoup pour partir une semaine à Cayo Coco. On attend avec impatience le premier parti qui lancera ce débat.