Avec son slogan touristique Incredible India, l’Inde a de quoi faire rêver les âmes voyageuses. Mais est-ce toujours le cas suite au traitement médiatique des XIXe Jeux du Commonwealth qui se sont tenus du 3 au 14 octobre 2010?
Peu importe leur longueur, les séjours à l’étranger comportent tous une dimension de partage interculturel. Si la culture hôte est souvent celle qui est mise à l’avant-plan dans l’expérience, notre propre culture demeure une dimension importante du partage interculturel. De là l’importance de notre propre perception.
Les séjours à l’étranger apportent leurs lots de perceptions. Elles sont parfois positives, parfois négatives, parfois justes, parfois trompeuses. La distance joue aussi un rôle : elle doit être suffisante pour comprendre avec justesse les éléments culturels partagés. Sinon, on tombe dans le cliché culturel.
Un pont interculturel
Depuis les temps antiques, les jeux ont créé des ponts culturels. Si les mondialisations semblent multiplier les points de ralliement, les XIXe Jeux du Commonwealth à Delhi en sont une autre preuve. Plus que tout, la couverture médiatique qui a précédé la tenue des jeux semble avoir eu encore un impact sur la perception de l’Orient du public occidental.
En Inde, comme ailleurs, la tenue d’un tel événement amène son lot de critiques. Ces jeux ont été le premier méga évènement sportif à se tenir dans un pays en développement après une première expérience en Jamaïque lors des jeux du Commonwealth de 1966.
Le pays hôte doit normalement défrayer les coûts de déplacement de toutes les associations officielles des jeux. Par exemple, les autorités indiennes et le comité organisateur se sont arrangés pour fournir les billets d’avion en classe économique pour les 20 premiers membres de chacune des délégations. Une pratique quelque peu critiquée vu la pauvreté présente en Inde.
Quelques journalistes indiens ont décidé de mettre le feu aux poudres et de crier au scandale et ensuite, c’est la planète tout entière qui s’est alarmée. On a critiqué la propreté et l’aseptisation du village des athlètes. Puis, la construction hâtive des infrastructures pour les jeux fut décriée. Certains athlètes se sont retirés des jeux. Et la spirale médiatique s’est mise à tourner, plus vite.
Ah bien sûr, une part de cette envolée médiatique peut être légitime! Il n’est pas question de remettre en cause la bulle médiatique, tant indienne qu’occidentale, mais bien plus de questionner son impact sur la perception du visage contemporain de l’Inde. Après tout, outre les critiques, ce sont bien les perceptions qui marquent les esprits et à partir desquelles une réflexion est nécessaire.
Vu de Delhi
Quelques faits agacent. Premièrement, on a pris soin de placer d’énormes panneaux publicitaires devant les bidonvilles de Delhi, comme pour masquer la pauvreté et prémunir la santé psychologique des athlètes. Une voie a été bloquée pour assurer la circulation de ceux-ci sur chacune des artères de rues principales entourant les sites des jeux; les autobus climatisés qui y circulent sont escortés non par un, mais bien trois ou quatre véhicules policiers.
Ces mêmes policiers ont troqué les bâtons de bambou pour un fusil automatique M-16, une carabine ou encore une kalachnikov. Des murets de sacs de sable ont aussi été érigés aux coins de toutes les rues principales de la ville. Si la sécurité semble être devenue le nouveau mot d’ordre des grandes réalisations contemporaines, il est possible d’affirmer que la meilleure réponse à l’insécurité demeure ici « plus de sécurité ».
Bref, l’épisode des jeux donne l’image d’une Inde corrompue, une Inde toujours en développement et une Inde où le danger vous guette malgré une croissance économique de 6 à 7 % depuis la dernière décade! Le traitement médiatique et la dérive sécuritaire semblent avoir fait oublier le caractère historique de ces Jeux du Commonwealth et de leur caractère progressiste et novateur à certains égards.
Est-ce que les Jeux n’avaient pas pour but d’afficher le caractère universel et fraternaliste qui peut unir les Hommes? Pendant combien de temps la perception contemporaine de l’Inde entière sera-t-elle affligée par cette image médiatique laissée pas les XIXe Jeux du Commonwealth? Le temps que les perceptions changent sans doute. Puisqu’il y a bien un remède aux perceptions, c’est la distance.
L’auteur étudiant en Études politiques appliquées à l’Université de Sherbrooke. Il se trouve présentement à New Delhi pour la poursuite de ses études.