Une critique sans divulgâcher.
Il y a quelques semaines, le 27 septembre 2019, une marée humaine s’est créée dans les rues de plus d’une centaine de pays pour protéger notre environnement, notre terre. Ce déferlement, inédit, a mobilisé 7,6 millions de personnes à travers le monde. Une sensibilisation par rapport à une planète qui se meurt et qui souffre de l’incompétence d’une classe politique occupée à satisfaire leurs intérêts mais également les multinationales, un point que soulève un réalisateur que l’on ne présente plus : André Forcier.
D’ailleurs le climat, la surconsommation, la protection de la faune et la flore sont d’autres thématiques phares du dernier film de ce monstre sacré du cinéma québécois.
L’amour de la terre et l’amour pour la terre donne naissance à son 15ème long-métrage qui dénonce les entreprises tels que Transgénia (nom fictif donné à une entreprise commençant par la lettre M.)
Une entreprise qui pourrait même vous faire croire que le désherbant donne de la vitalité aux plantes.
À travers cette comédie dramatique, André Forcier évoque une lutte qui prend naissance dans la contestation d’une majorité qui a enfin ouvert les yeux sur une situation alarmante. Cessant de se taire, son personnage principal, ancien agronome et apiculteur, à la vision quelque peu pessimiste est interprété par Roy Dupuis (Mémoires affectives, J’ai serré la main du diable, Maurice Richard, Being at home with Claude, etc…)
Son personnage rencontre Frère Marie-Victorin, joué par Yves Jacques (Le déclin de l’empire américain, Jésus de Montréal, Un secret, Laurence Anyway, etc…) fondateur du jardin botanique de Montréal et décédé en 1944, qui redescend sur terre, préoccupé par la situation alarmante de l’écologie. Sans doute un signe du cosmos pour édulcorer ce marginal. L’optimisme et la lutte contre Transgénia, qui souille les terres avec de nombreux produits chimiques, sont apportés également par Juliette Gosselin (Nouvelle-France, Familia, 1991…) dont le rôle est celui d’une journaliste pour l’éditorial Ras-le-bol. On n’oubliera pas, Émile Schneider en punk ou encore Christine Beaulieu, en avocate solide.
Donald Pilon est, quant à lui, intéressant dans le rôle de patron de la firme Transgénia et il en va de même pour Gaston Lepage, en agriculteur qui voit ses terres volées par la multinationale.
Malgré quelques traits de caricatures qui peuvent déplaire et un jeu d’acteurs parfois inégales le film transmet beaucoup de positivité et d’humour.
Une dernière note positive concernant la bonne musique de La Marcelle qui vous fera voguer dans cette aventure humaniste.
Éntree Libre a eu la chance de s’entretenir quelques instants avec André Forcier, Roy Dupuis et Donald Pilon :
Souley Keïta : Dès le début du film, on évoque différents sujets (la protection des abeilles, l’écologie, la surconsommation, la pollution des terres par les grandes multinationales…) Est-ce que le personnage joué par Roy Dupuis, enfermé dans son combat, n’est pas la représentation d’un monde désunit qui lutte pour la même cause ?
André Forcier : C’est vrai ce que vous dites, dans le personnage de Roy (Dupuis) mais il y a aussi une certaine ouverture sur le monde. Il a commencé en étant débrouillard notamment en vendant son hydromel des fleurs oubliées aux bourgeoises de la Rive-Sud. Il s’occupe beaucoup de son neveu Jerry (Émile Schneider) et ensemble ils vont faire fleurir les toits de Montréal. Le personnage de Roy continue le combat de Marie-Victorin (Yves Jacques). Il cultive des plantes mellifères que Marie-Victorin considérait comme en grand danger, donc il poursuit son œuvre et ne livre pas inconsciemment un combat tout seul.
Souley Keïta : Vous mettez en lumière et confrontez deux éléments, ces gens qui luttent pour la terre, pour le bien-être des ouvriers et qui sont associés à des extrémistes, à des criminels par rapport au personnage de Donald Pilon, dirigeant de Transgénia, qui se qualifie d’humaniste, est-ce que les gens sont facilement trompés par les mots ?
André Forcier : Donald qui incarne le rôle de Poulliot, président de Transgénia, c’est un être exécrable, détestable mais qui clame haut et fort que c’est un humaniste. Pour jouer cette pourriture j’ai tout de suite pensé à Donald Pilon (rires). On met en lumière les travailleurs mexicains qu’il engage, ce qui n’est pas généralisé au Québec car la plupart des agriculteurs ont une très bonne osmose avec ces travailleurs contrairement à ces grosses firmes qui manquent de cœur et qui jouent dures avec le sort de ces gens-là.
Souley Keïta : La lumière c’est éclairer ce qui nous fait défaut et en revenant sur la situation très précaire de ces immigrés, est-ce que l’on peut parler d’un système politique qui a accepté, officieusement, un système esclavagiste orchestré par les multinationales ?
André Forcier : D’abord, il y a une collusion évidente entre les politiciens et ces compagnies, ces entreprises empoisonneuses. Il y a eu une thèse très importante sur ce sujet, avec des conséquences désastreuses où l’on prenait les passeports de ces travailleurs mexicains ou guatémaltèques pour les asservir. Le Canada ne va pas véritablement pas assez loin sur ce sujet, je pense que Roy pourrait compléter ma pensée.
Roy Dupuis : M. ne possède aucune terre et exploite autant les fermiers que les travailleurs mexicains. Après au Québec, je n’ai pas entendu parler d’exploitation, jusqu’à présent.
Souley Keïta : Votre personnage, Roy Dupuis, est considéré comme un marginal, n’est-il pas une énième victime face aux multinationales, au monde politique, un peu comme votre personnage Roméo Dallaire dans le film, J’ai serré la main du diable (génocide rwandais) ?
Roy Dupuis : C’est intéressant comme question, pour ma part je ne l’ai jamais vu comme cela. Je pense que Albert, s’est probablement réalisé en tant qu’homme. Par le passé, il a pu être une victime mais maintenant il agit. Il ne cherche plus à dénoncer mais à agir directement en essaimant la ville de Montréal et de se battre pour les éléments importants à ses yeux, c’est à dire l’environnement, les fleurs, les plantes. Pour moi c’est sa façon d’échapper à la victimisation.
Il peut paraître pessimiste par rapport au gouvernement, aux corporations, à ce qui ont le pouvoir mais Il a tout de même une vision réaliste et va évoluer en tant que personnage.
Souley Keïta : Monsieur Donald Pilon, est-ce que votre personnage est juste une représentation de la mort ? Est-ce que c’est un personnage endoctriné ?
Donald Pilon : Ça peut être cela. Mon personnage est tout de même un personnage normal. Il s’est trouvé un travail et c’est tombé sur Transgénia. Il a appris les rudiments et il a commencé à subir une lobotomie J’ai connu la même chose dans la finance avant d’être acteur, donc c’était assez facile pour moi de comprendre les intentions du personnage. C’est un personnage qui par la suite se retrouve enfermé dans cette mythomanie et commence à croire ce que Transgénia vend et doit vendre. Il devient membre de cette société pourrie. C’est du monde qui fait des dégâts en vendant de la mort et il s’inscrit dans l’hypocrisie générale.
Souley Keïta : On a une prise de position basé sur l’imaginaire, est-ce que le combat pour la terre, les agriculteurs, pour un meilleur traitement des sud-américains n’est juste qu’une illusion ?
André Forcier : Non pas vraiment même si on commence le film par un rêve le combat est réel. Il y a une prise de conscience de la population qui est réel. Je m’aperçois du changement.
Une comédie dramatique sur l’écologie qui arrive au bon moment et que vous pouvez aller voir dès aujourd’hui, en ce vendredi 25 octobre 2019, à La Maison du Cinéma.