Le 9 mars 2021, nous sommes une centaine à assister à la conférence en ligne de l’avocat spécialisé en droit de l’environnement Me Jean-François Girard sur la protection des milieux naturels. Sa conférence est suivie d’une présentation de Louis Béchard sur le Boisé du Phare (aujourd’hui Boisé Ascot-Lennox). Ce soir-là, je découvre l’existence d’une forêt privée de 280 hectares en plein cœur de Sherbrooke.
Ce boisé urbain est plus grand que le Bois Beckett et le Mont-Bellevue réunis ! Il abrite une érablière mature, de nombreux ruisseaux et milieux humides, des espèces amenacées. Malgré cela, il ne bénéficie dans son ensemble d’aucun statut de protection, ni de la municipalité ni d’un autre palier de gouvernement. Résultat : il est dans la mire des promoteurs immobiliers, déjà propriétaires de plusieurs lots, pour y faire pousser de beaux développements résidentiels lucratifs et, gageons-le, très peu abordables…
À la fin de la conférence, les personnes intéressées à s’impliquer sont invitées à communiquer avec le groupe de citoyens formé pour protéger le boisé. L’idée de m’engager commence à germer jusqu’à ce que, le 18 novembre, je me décide à écrire. Quelques jours plus tard, je reçois un appel de Mathieu Vinette, membre du groupe citoyen et aujourd’hui président de l’Association pour la protection et la valorisation du Boisé Ascot-Lennox (APVBAL). C’est le début de mon engagement.
Mathieu est ingénieur, il travaille dans le milieu de l’innovation technologique et est père de deux enfants. En d’autres mots, c’est un homme très occupé ! Mais c’est aussi un convaincu dont l’enthousiasme est prodigieusement contagieux. Imaginez un jeune Bruno Marchand. Rapidement il me présente aux autres membres du groupe, Amélie, Alexandre, Anne-Marie, Jean-François, Roy. Pour la plupart, de jeunes parents sans expérience en conservation, mais prêts à déployer tous les efforts pour sauver leur espace vert. Leur engagement et leur accueil chaleureux me donnent envie de m’impliquer.
Mais l’enthousiasme ne suffit pas, il faut trouver de quelle façon on peut contribuer. J’ai de l’expérience en financement public. Pourquoi ne pas transférer cette expertise dans le domaine de la protection des milieux naturels ? Rapidement, on convient, Mathieu et moi, que je concentrerai mes efforts à trouver des programmes de financement qui permettent au comité de citoyens de faire avancer la cause du boisé.
À l’automne 2022, Mathieu convainc l’organisme Nature Cantons-de-l ’Est (NCE) de présenter une demande de subvention à la Fondation de la Faune du Québec conjointement avec l’Association pour la protection et la valorisation du Boisé Ascot-Lennox (APVBAL), maintenant incorporée, et en partenariat avec la Ville de Sherbrooke. Du comité de six citoyens, on passe en quelques mois à un comité tripartite formé d’une association de citoyens, d’un organisme de protection de la nature et d’une municipalité. La force de cette alliance ne se limite pas aux organisations-clés qu’elle réunit, elle dépend aussi de l’engagement indéfectible de leurs représentants, Stéphane Tanguay pour NCE, et Geneviève La Roche, conseillère municipale pour le district d’Ascot et présidente de la Commission de l’aménagement du territoire. Trois forces indispensables réunies : la volonté citoyenne, l’expertise en conservation et le pouvoir décisionnel.
Grâce à la subvention de la Fondation de la Faune et une contribution équivalente de la Ville, l’équipe du projet livre à la fin de l’été 2023 un plan de conservation du Boisé Ascot-Lennox sur cinq ans qui inclut un plan d’action, un plan de suivi et un plan opérationnel. Tout cela en six mois !
Parallèlement à ces démarches pour la protection du Boisé, la Ville adopte son Plan Nature, un outil de planification des actions pour la conservation des milieux naturels, y compris les milieux humides, hydriques et les boisés. On avance dans la même direction…
Que faut-il retenir de cette expérience d’engagement ? Au départ, il faut éveiller l’intérêt : quoi ? Il existe un si grand boisé à Sherbrooke ? Puis, il faut allumer la flamme et ça, ça se fait d’humain à humain comme aux Jeux olympiques. Il a suffi d’une conversation téléphonique avec Mathieu pour que je sois gagnée à la cause. Finalement, miser sur ses compétences. Ce n’est pas parce que c’est du bénévolat qu’on peut tout faire. Nous avons chacun nos forces et c’est ce qu’il faut mettre à profit pour être efficace et pertinent.
De mon point de vue, l’engagement c’est autre chose que du bénévolat. Parfois une certaine vision du bénévolat pervertit les relations (il y a les généreux qui aident et les malheureux qui ont besoin d’aide…). L’engagement signifie de travailler pour soi en tant que membre d’une collectivité. On sort de la logique individualiste pour se donner ensemble des environnements qui nous ressemblent et dans lesquels il fait bon vivre. En prime : on se rapproche des autres !
Si cette expérience vous inspire, l’APVBAL accueille toutes les personnes intéressées à se joindre à sa cause. Vous pouvez vous impliquer dans l’un de ses comités ou, pour ceux qui manquent de temps, contribuer à sa campagne de financement en vous procurant le calendrier 2024 illustré de superbes photos du Boisé Ascot-Lennox.