Aujourd’hui, on nous rabâche que l’austérité doit être combattue avec hargne et fureur. Entourés de nos amis qui se lancent parfois dans des diatribes et discours interminables, il devient difficile de poser la question «c’est quoi l’austérité?» de peur de passer pour un ignare, mais, comme disait l’humaniste anglais Ashley Montagu, «Admettre son ignorance, c’est montrer sa sagesse.» Alors, allons fouiner sur l’origine de ce vilain petit mot.
Selon la définition du Petit Larousse 2015, une politique d’austérité «vise à limiter les dépenses des agents économiques afin de réduire les tensions inflationnistes» et ce 2 janvier, le gouvernement Harper a présenté son plan pour rééquilibrer le budget. Selon le gouvernement, cela contribuera à soutenir l’emploi, la croissance et «la prospérité à long terme pour les Canadiens en 2015». Le ministre des Finances Joe Oliver ajoute que «L’équilibre budgétaire garantit la viabilité à long terme d’importants programmes sociaux comme les soins de santé sur lesquels les Canadiens comptent.» L’équilibre budgétaire en 2015 prévoit un excédent (gains supérieurs aux dépenses) de 1,9 milliard de dollars. Mais alors, pourquoi tant de hargne face à des gains si juteux?
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Pour atteindre ses objectifs de croissance, le gouvernement doit faire des coupes budgétaires dans de nombreux secteurs afin de réduire la dette, rééquilibrer le déficit et relancer l’économie du pays. Ce qui fâche, c’est le fait que cette politique doit passer par un abaissement des dépenses gouvernementales dans le domaine de l’éducation supérieure, l’aide au chômage, au logement, etc.
Pour aller plus loin, chez nos voisins européens et africains, la politique d’austérité est une piqûre dont les effets laissent sceptiques.
En ce qui concerne l’Europe, les réunions du Conseil de l’Europe se multiplient et la politique d’austérité budgétaire entamée depuis la crise ne remporte pas de succès. L’Union européenne et les technocrates qui la composent sont perçus comme une dérive autoritaire qui dicte la ligne à suivre aux pays. Par exemple, le plan de relance en Grèce s’est soldé par la victoire du mouvement de la gauche radicale Syriza et par la nomination de son chef Aléxis Tsípras comme premier ministre. Dans de nombreux pays européens, c’est la montée de l’extrême droite que l’on craint puisque ceux-ci surfent sur la vague de l’immigration pour justifier de façon incohérente le durcissement économique comme on l’entend chez la leader du front national Marine Le Pen.
Pour ce qui est du continent africain, l’ancienne ministre malienne Aminata Dramane Traoré, coauteure de «La gloire des imposteurs», explique que si les pays européens découvrent la politique de rigueur imposée par les instances financières, celle-ci est en marche depuis les années 1980 dans de nombreux pays africains et, visiblement, elle n’arrive pas à tenir ses promesses. Pour elle, c’est le système qui ne fonctionne «ni ici, ni chez nous, nous sommes à un tournant historique de l’humanité ou l’économie de marché a montré ses limites».
Si Harper tourne le dos à sa population en embrassant la politique d’austérité, il conservera certes une image de bon élève auprès du secteur privé. Cependant, au regard de tout cela, il sera très pénible pour le gouvernement de continuer à propager la positive attitude tout en imposant une politique économique drastique. En effet, il devient éprouvant pour le gouvernement de faire avaler la pilule de l’austérité à une population prête à en découdre comme nous l’avons vu ce 21 mars à Montréal, et ce, malgré une rhétorique fleurie digne des plus grands illusionnistes.