Le mouvement Incroyables comestibles est né en 2008 dans une petite ville d’environ 15 000 habitants du nord de l’Angleterre, Todmorden. Autour d’une table de cuisine, sans ordre du jour ni paperasse, des citoyens ont créé ce grand mouvement qui est vite devenu mondial.
La vision est assez simple : faire la promotion de l’agriculture en milieu urbain et valoriser le partage des récoltes ainsi obtenues. Les premiers citoyens impliqués se sont mis à faire des potagers un peu partout : devant les maisons, les commerces, la gare, les écoles, etc. Partout, on y mettait des affichettes ornées du logo d’Incroyables comestibles et de quelques mots bien simples : « nourriture à partager ».
Les résultats ont été instantanés, et tout le monde en a bénéficié. D’abord, les gens ont remarqué que les liens entre les habitants de Todmorden s’étaient resserrés et que la communauté était davantage solidaire puisque des projets collectifs y émergeaient progressivement. Un changement de paradigme notable s’est aussi exercé dans les écoles primaires et secondaires : elles ont toutes intégré l’horticulture à leur cursus et ont aménagé des potagers et des poulaillers dans leur cour. L’accès plus régulier à une nourriture davantage fraiche, forcément locale et biologique, a eu comme effet de créer un gout pour ces produits. Du coup, les petites exploitations agricoles de la zone rurale adjacente à Todmorden ainsi que les artisans de l’alimentaire, comme les boulangers, en ont bénéficié grandement
Cinq étapes
On identifie cinq étapes de démarrage d’une initiative comme celle des Incroyables comestibles dans une ville. La première étape, c’est l’engagement symbolique via la photographie officielle. Typiquement, les citoyens se réunissent à côté d’une affiche indiquant le nom de leur ville avec des pancartes arborant le logo d’Incroyables comestibles et, généralement, avec quelques plantes et légumes. Cette première étape de démarrage a pour effet de cristalliser l’intérêt du groupe pour le projet.
La deuxième étape est la diffusion. Il s’agit alors de diffuser le plus d’information possible sur le mouvement, sur le jardinage, sur l’autonomie alimentaire, etc. Cela s’articule beaucoup autour des médias sociaux, mais également autour de l’organisation d’ateliers et d’évènements. La troisième étape consiste pour les citoyens à démarrer, dans leur cour et leur quartier, des initiatives individuelles dans des lieux à la vue de tous, idéalement en façade de leur domicile. Les gens mettent des panneaux annonçant les Incroyables afin d’augmenter encore davantage la visibilité du mouvement.
La quatrième étape réside dans la mise sur pied de projets collectifs, qui peuvent prendre la forme de potagers dans des parcs, dans des cours d’école ou dans d’autres lieux publics. L’idée est ici de resserrer les liens entre les gens en leur donnant l’opportunité de mettre leurs forces en commun dans le contexte d’un projet d’autonomie alimentaire. Finalement, la cinquième étape est de participer aux consultations publiques et aux rencontres du Conseil de Ville afin de démontrer clairement aux élus l’intérêt marqué de la population pour l’agriculture urbaine.
À Sherbrooke
En ce qui a trait à l’agriculture urbaine et l’implantation du mouvement Incroyables comestibles à Sherbrooke, les choses bougent très rapidement. Dans l’est de la ville, le groupe des Jardiniers solidaires de Sherbrooke organisent un projet de jardinage collectif d’envergure tandis que, sur la rue King ouest, les AmiEs de la Terre sont en train de se construire des bacs de légumes à partager. Un peu partout, des potagers s’organisent sur les terrains privés, et des citoyens prennent part à des rencontres afin de mettre sur pied des initiatives en tous genres. La fréquentation du Jardin collectif des Nations est en pleine augmentation, et les gens réclament de plus en plus d’aliments locaux dans nos épiceries. L’évènement « Sherbrooke, ville nourricière » a littéralement donné le coup d’envoi à de nombreux projets et a permis à des gens des quatre coins de la ville et de la région de se rencontrer et de mettre en commun des idées. Petit à petit, le mouvement mondial des Incroyables comestibles fait son nid à Sherbrooke, l’agriculture urbaine s’installe et l’idée de partage des récoltes se propage.
L’auteure est adjointe à la coordination du Marché de solidarité régionale des AmiEs de la Terre, conférencière à Sherbrooke, ville nourricière et citoyenne impliquée dans le mouvement Incroyables comestibles.