La période de Noël – ou son œcuménique temps des fêtes – est propice à l’introspection et à la bonté d’âme. Les journées courtes et les nuits longues, associées au temps froid, entrainent un penchant naturel à rechercher le réconfort, la chaleur, et la lumière. Il ne faut d’ailleurs pas s’y tromper si la nativité chrétienne est célébrée à cette période. Dans les sociétés préchrétiennes de l’Europe (aussi bien occidentales qu’orientales), ce moment de l’année était déjà l’occasion de rassemblements et de célébrations autour du symbole de la lumière plus forte que les ténèbres. Les premiers organisateurs du christianisme (souvent des empereurs romains) intègreront ces fêtes « païennes » à leur dogme et en proposeront une relecture pour mieux faire avancer cette nouvelle religion monothéiste.
Prêchi-prêcha mis à part, l’actualité des dernières semaines n’est vraiment pas au beau fixe et provoque le sentiment d’un besoin de réconfort et de perspectives plus réjouissantes. Et l’on remarque également combien les sociétés occidentales, au Québec comme ailleurs, sont fracturées et polarisées. La nouvelle guerre qui se déroule en Palestine a des répercussions jusqu’ici. À Montréal, des écoles juives ont été la cible de coups de feu, sans que les auteurs aient pu être appréhendés pour établir un lien formel entre les évènements. Le lien semble toutefois probable si l’on se fie à l’augmentation des actes antisémites enregistrée en France ou en Allemagne. Cependant, face aux morts civils qui s’empilent à Gaza, comment soutenir nos gouvernements qui n’osent pas demander expressément un cessez-le-feu et mettre Israël devant ses responsabilités d’assaillant à Gaza et de puissance coloniale en Cisjordanie. Ce refus de nos gouvernements face à l’évidence laisse planer un doute de collusion et de connivence avec l’état d’Israël qui renforce la suspicion et le rejet de nos dirigeants et de leurs politiques.
C’est ce même sentiment de suspicion et de rejet qui est activé lorsque le ministre des Finances Éric Girard vient nous expliquer que les caisses sont vides et que donc il va falloir probablement couper dans les services, et qu’a minima les revendications salariales des employés et employées de l’État sont irrecevables. On serait prêt à le croire et à accepter les sacrifices demandés si dans le même élan le même ministre ne venait pas nous expliquer que dépenser 2 à 5 millions de dollars pour que deux équipes de la Ligue nationale de hockey viennent faire leur partie de présaison à Québec c’était de l’argent bien dépensé parce qu’il allait rapporter gros. À trop être pris pour des cons, il arrive qu’on choisisse de répondre en étant encore plus con, et ce sont la raison et le jugement qui en pâtissent.
Peut-être alors que l’émotion qui a saisi le Québec à l’annonce de la mort de Karl Tremblay, leader vocal du groupe Les Cowboys fringants, est une réaction à ce besoin de réconfort et à une volonté de retrouver des façons d’être ensemble ? La musique des Cowboys était accessible, construite autour d’instruments de la musique traditionnelle du Québec, tout en proposant des textes forts, ancrés dans le monde contemporain, et lucides sur les réalités et vicissitudes du monde. Une musique et des textes avec lesquels on ne se sentait justement pas pris pour des cons, et où l’on ne confondait pas capitalisme et économie, ou géopolitique et intérêts politiques. La proposition du premier ministre François Legault d’offrir des funérailles nationales à Karl Tremblay (sous réserve d’acceptation par sa famille) partait probablement d’un bon sentiment en voulant offrir à chaque personne la possibilité de participer aux obsèques et ainsi de faire vivre une dernière fois le lien spécial construit avec le chanteur. Mais la roublardise d’un F. Legault vient entacher une telle proposition, et ce couplet dans « En berne » semble tellement bien s’appliquer à Legault et son gouvernement : Et l’premier-ministre fait semblant / Qui s’en fait pour les pauvres gens / Alors qu’on sait qu’y est au service / Des fortunés et d’leurs business.
On souhaitait un peu de douceur et de compassion, c’est une louche de cynisme qui nous tombe sur la tête. Toujours en attente d’un peu de lumière pour égayer la soupe à la grimace.