J’AI GRADUÉ DU BAC EN ENSEIGNEMENT AU PRÉSCOLAIRE AU PRIMAIRE DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE EN MARS 2020. CETTE ÉTAPE IMPORTANTE DE MA VIE A ÉTÉ INTERROMPUE PAR LA PANDÉMIE QUI DÉBUTAIT. LE 20 MARS, NOUS ÉTIONS CENSÉS PRÉSENTER NOTRE PROJET DE MÉMOIRE, AU MOIS D’AVRIL NOUS ÉTIONS CENSÉS AVOIR NOTRE BAL ET FINALEMENT AU MOIS DE SEPTEMBRE 2020, NOTRE REMISE DE DIPLÔME. BIEN SÛR, RIEN DE TOUT ÇA N’A EU LIEU
Nous avons été projetés dans le milieu de l’éducation puisqu’il y a pénurie de personnel, vous connaissez la chanson. Nous avons tous eu une classe pour la réouverture des classes, et ce jusqu’à la fin de l’année. Les règles étaient plutôt souples. Dans les classes, la distanciation physique était suggérée, les masques non obligatoires. Le temps passait différemment, toute la dynamique de la classe était changée, seulement 8 de mes élèves étaient revenus, nous ne devions pas enseigner de nouvelle matière… C’était vraiment différent de pendant mes 4 années de bac. Nous devions nous adapter, chaque jour, à de nouvelles directives. Le dernier jour de classe a été très différent. Une semaine avant la fin des classes, un de mes élèves m’approche et clairement il voulait me donner un câlin. Nous nous connaissons depuis presque un an, c’était aussi mon élève dans ma classe de stage, nous avions un bon lien de confiance. Il s’arrête et me dit : « Est-ce que la dernière journée d’école je pourrais te donner un câlin? » Mon coeur a fait un bond, je lui dis: « Je vais demander à la directrice, toi, demande à ta mère. » Le tout s’est arrangé et à la fin des classes, nous avons pu nous donner un gros câlin, un autre élève nous a vus et suite à l’accord du parent une fois encore nous nous sommes donné un câlin. Cette petite anecdote reflète bien comment cette pandémie nous fait réfléchir à deux fois avant de continuer les habitudes que nous avions avant. Avant cette pandémie, en décembre, lorsque j’avais dit au revoir à ces mêmes élèves, j’avais eu droit à un câlin de groupe incroyable.
Puis, l’année scolaire a débuté, en tant qu’enseignante sans ancienneté je me suis retrouvée à travailler dans 2 commissions scolaires qui couvrait un territoire assez grand. La précarité dans le monde de l’enseignement ça ressemble à cela : ne pas savoir où on va travailler à 6 h le matin. Souvent, je travaillais dans de nouvelles écoles où je ne connaissais rien du fonctionnement ni des élèves. J’arrive au mois de décembre, complètement épuisée sachant que les profs le sont aussi… on me propose un contrat à 100% dans une école proche de chez moi. Quelle chance ! Alors commence mon travail d’orthopédagogue (je ne suis pas formée pour cela, mais il n’y en a plus au centre de service) et d’enseignante soutien. La pénurie de main-d’oeuvre se fait encore sentir. Personne pour faire les remplacements, une chance que les profs sont moins malades à cause des mesures sanitaires…
Pour résumer, cette année sous la pandémie je dirais que je suis profondément ébranlée et fatiguée, il m’arrive à de nombreuses reprises de me demander qu’est-ce que je fais dans ce métier qui est si peu valorisé et donc les conditions sont douteuses…
Nous sommes tous humains, et de continuer à enseigner les fractions alors que je n’ai plus de contacts sociaux je trouve ça de plus en plus aberrant… quel gâteau est-ce que je pourrai fractionner si je n’ai plus personne avec qui le partager? Sur une note plus positive, je crois qu’il est important de nommer que les enfants voient ce qui se passe comme une continuité plus que comme une finalité, mais nous avons tous hâte de pouvoir se faire un câlin sans avoir à demander à permission à la santé publique.
Photo de couverture: Allison Shelley pour American Education (Flikr)