En 1974, l’Institut for Social Ecology (ISE) voit le jour au Goddard College du Vermont, initié par le pionnier du mouvement écologiste Murray Bookchin et un diplômé du Goddard College, Dan Chordokoff. L’ISE se dédie à l’écologie sociale, une théorie philosophique basée sur le socialisme libertaire qui montre que les luttes sociales sont indissociables des luttes écologiques. Bookchin et Chordokoff vont y démarrer un programme d’été combinant apprentissages pratiques et intellectuels en offrant des ateliers sur l’agriculture biologique, l’aquaculture, les technologies écologiques, l’organisation communautaire ainsi que des cours sur la politique écologique, décentralisatrice et communautaire, sur l’histoire de l’urbanisation, sur l’histoire des révolutions et sur la théorie sociale radicale.
Jusqu’en 1980, des spécialistes de partout à travers les États-Unis viendront à l’ISE afin d’y apporter leurs connaissances sur les technologies appropriées. Les étudiants du programme d’été auront l’opportunité au fils des ans de bâtir le premier bâtiment solaire passif du Vermont, d’installer des panneaux solaires et de construire des serres utilisant la masse thermique. Le programme d’été permettra également la mise sur pied d’une cuve d’aquaculture contenant quelques milliers de litres d’eau et produisant une quantité impressionnante de poissons tout en fournissant de l’engrais biologique, le tout à l’aide de l’énergie solaire et d’une éolienne.
Par son implication sociale, l’ISE facilitera l’implantation de ces technologies appropriées et des politiques décentralisatrices dans certains quartiers défavorisés des États-Unis. Elle stipulera que par ses techniques écologiques et sociales, les résidents gagneront le contrôle sur leur condition matérielle tout en se bâtissant une solidarité de quartier, de l’autonomie et des compétences. De nombreux groupes démontreront à quel point ces éco-techniques ont su transformer les technologies en des instruments de libération et d’harmonisation sociale. Le groupe CHARAS, du quartier défavorisé Lower Est Side de Manhattan, était un des ces groupes qui militait à la création d’un quartier autogéré basé sur une économie coopérative et fonctionnant avec des assemblées de démocratie directe locale. La première éolienne urbaine sur un toit des États-Unis ainsi que les premiers panneaux photovoltaïques de Manhattan verront le jour grâce à ce groupe. Une quarantaine de bâtiments abandonnés y seront transformés en coopératives d’habitations, dont l’une d’elles abritera dans son sous-sol un système d’aquaculture de plus d’un kilolitre. L’ISE développera également des liens étroits avec des petites fermes du Porto Rico et avec la nation mohawk Akwesasne dans l’état de New York.
En 1981, l’ISE bat son plein. En réponse à la menace de fermeture du Goddard College par la banque, le conseil d’administration de l’université décidera de saisir tous les bâtiments et toutes les machines utilisés par l’ISE afin de les vendre sur le marché. L’ISE deviendra ensuite un organisme indépendant et continuera de façon itinérante à offrir des formations, des conférences et à produire de nombreuses publications.
Il faudra attendre 1996 pour qu’ils puissent acheter une terre à Plainfield au Vermont où ils y fonderont le campus Maple Hill de l’ISE. L’ISE y offrira pour la première fois son baccalauréat en écologie sociale, en partenariat avec le Goddard Collège. Aujourd’hui, en plus du programme d’été, des ateliers et des conférences sur ce campus, il est possible de suivre le programme de maîtrise en partenariat avec le Prescott College et de s’inscrire au cours en ligne d’introduction à l’écologie sociale qui débutera le 17 octobre prochain.
Au Québec, Bookchin et l’ISE ont largement influencé les mouvements écologistes. En 1974, le Mouvement Citoyen de Montréal et en 1990, le groupe Écologie Montréal s’étaient inspirés des principes de démocratisation proposés par l’écologie sociale. L’Institut pour une écosociété, notamment fondateur des éditions Écosociété, s’inspire de l’ISE. Le militant montréalais Dimitri Roussopoulos, qui a milité avec Bookchin pendant quelques décennies, a participé à la création de nombreuses initiatives écologistes telle que le Centre d’Écologie Urbaine de Montréal, la coopérative d’habitation Milton-Parc, la maison d’édition Black Rose Book et les revues Our Génération et Place Publique.
À Sherbrooke, le collectif Paideia lance en octobre un groupe d’étude sur l’écologie sociale avec l’étude des 3 volumes de « Third Revolution » de Murray Bookchin. Nous vous invitons à vous joindre à nous en contactant le collectif Paideia : collectifpaideia@gmail.com.
Pour en savoir davantage :
- Ecology Or Catastrophe: The Life of Murray Bookchin (Janet Biehl)
- Extrait du court métrage « Karl Hess: Toward Liberty » montrant l’ISE en 1980
- Court métrage « District 25 » de John Jacobs sur la campagne municipaliste libertaire de Dimitri Roussopoulos pour Montréal Écologique
- The Ecology of Freedom: The Emergence and Dissolution of Hierarchy (Murray Bookchin)