Centrée surréelle, voire incongrue, jusqu’au moment où le jeune Tétreault est revenu sur scène afin d’accompagner Émile de façon convaincante dans Métamorphose, sa très belle chanson inspirée de la théorie (r)évolutionnaire de Darwin : la rencontre folk-classique reflétait superbement ses paroles Je veux changer pour mieux me ressembler.
Auteur-compositeur-interprète libre dans la plus belle acception du terme, habillé de son t-shirt vert, de pantalons noirs et d’une paire de running shoes qui avaient dû être blancs dans une lointaine vie antérieure, Émile Bilodeau a ouvert son récital avec sa chanson J’en ai plein mon casque, de la guerre et de toutes les autres affaires… et poursuivi sur une veine inspirée par L’écume
des jours et d’autres œuvres
musicales iconoclastes de Boris Vian : l’exploitation de ses nombreux registres de voix, servis par une diction et une projection remarquables, semble un hommage vibrant à ce précurseur, alors que sa fougue écologiste De De De… dénonciateur des pipelines de marde de transition de Justin Trudeau et de réseaux sociaux peuplés d’homophobes, de racistes, de sexistes et de tous ceux qui passent leur vie plate à nous diviser, ressemble, pour notre bonheur trop longtemps laissé orphelin, à l’amère générosité de Dédé Fortin des Colocs.
Ses chansons J’suis pas vraiment croyant, J’préfère écouter la voix de la raison et M’arranger où il ressuscite Raymond Lévesque artiste pour la paix hommage 2011, puis surtout, reprise en chœur par tous les jeunes de la salle Non, j’vais marcher qui pourrait bien devenir un hymne à cette époque où nos médias ferment la gueule à tous ces jeunes désespérés ou au contraire remplis d’espoir qui marchent de Gatineau à Québec pour sauver nos arbres et nos forêts ou qui redémarrent la Marche Mondiale des Femmes dimanche le 17 octobre, sans écho de nos éditorialistes endormis dans le confort et l’indifférence.
Et le récital de Bilodeau, où mon fils m’accompagnait avec enthousiasme, se termina en évoquant George Floyd mort sous le genou d’un policier fasciste dont l’indifférence faisait froid dans le dos et Joyce Echaquan morte sous les sarcasmes d’une infirmière écrasée de fatigue et de responsabilités injustes à porter, mais pas assez pour ne pas être raciste.
Pour ceux et celles que l’amour éperdu de la culture et de la vie anime encore, Émile Bilodeau qu’il ne faudra pas laisser se sacrifier comme Dédé l’avait fait, perte irrémédiable, ouvrira au Centre Bell le 25 novembre la soirée des Cowboys Fringants : à ne rater sous aucun prétexte, notre survie au Québec en dépend !