Avec l’arrêt Morgentaler en 1988 — un jugement historique — l’avortement est complètement décriminalisé par la Cour suprême du Canada. Elle statuera le 8 août 1989 qu’il n’y a que la femme qui peut décider de mener ou non sa grossesse à terme.
C’est l’affaire Tremblay c. Daigle qui est à l’origine de cette décision, elle aussi historique. Elle vient solidifier le droit inaliénable des femmes à l’autonomie de leurs corps, d’avoir ou non des enfants, d’en déterminer le nombre et le moment, et d’avoir à leur disposition les moyens efficaces, sécuritaires et adéquats pour y parvenir. Il y a déjà 30 ans…
Pourtant, le droit à l’avortement demeure soumis à la possibilité d’utilisation de la disposition de dérogation, alors que d’autres droits ne le sont pas. Concrètement, cela veut dire qu’un gouvernement pourrait utiliser la clause dérogatoire pour suspendre l’application de la Charte des droits et libertés et adopter une loi criminalisant à nouveau l’avortement… Mais au-delà de ces dispositions législatives, la notion du choix est surtout une question de justice sociale: pour faire un choix, il faut d’abord avoir les moyens de le faire.
L’accès à des services d’avortement reste difficile dans certaines régions, notamment hors des centres urbains. Voici quelques exemples. Seulement trois cliniques pratiquent des avortements en Alberta. Au Nouveau-Brunswick, jusqu’en 2014, les femmes devaient obtenir l’avis de deux médecins pour obtenir un avortement. Pire: jusqu’en 2016, il n’y avait aucune clinique sur l’Île-du-Prince-Édouard. Il a fallu utiliser les tribunaux pour forcer la main du gouvernement à son ouverture. Comme les avortements y sont permis seulement aux neuf premières semaines de grossesse et que les femmes doivent attendre de cinq à six semaines pour avoir un rendez-vous, plusieurs d’entre elles font face au défi de trouver un moyen de se déplacer dans une autre province pour obtenir la procédure.
Ainsi, l’accès universel aux services d’avortement est loin d’être une garantie. Cette situation est particulièrement vraie pour les femmes des Premières Nations, Inuites et Métisses, les femmes en situation de handicap et les femmes de la diversité sexuelle et de genre. Même si environ 50% des cliniques d’avortement sont au Québec, elles ne sont pas réparties équitablement sur le territoire. Cela engendre des coûts supplémentaires d’accès à une intervention, des coûts de déplacements, parfois d’hébergement, des congés d’un travail rémunéré, etc.: un fardeau financier parfois difficile à assumer.
Un droit fondamental
Les femmes ont le droit fondamental d’avoir accès à des services complets, de qualité et gratuits en contraception, avortement, planning et sexualité, et ce, sans compromettre leur sécurité et leur dignité. En ce sens, nous revendiquons que les services d’avortement par médicament ou par intervention soient maintenus, et ce, peu importe les oppositions.
Saviez-vous qu’il y a eu tellement de plaintes pour harcèlement de la part de patientes et de personnel de cliniques d’avortement que le ministre de la Santé et des Services Sociaux du Québec a soumis à l’Assemblée nationale en 2016 une loi restreignant les manifestations pro-vie à un minimum de 50 mètres de distance de toute clinique d’avortement? La protection contre toute attaque et intimidation des cliniques d’avortement et de planning, du personnel ainsi que des femmes et autres personnes ayant recours aux services offerts est un élément non-négligeable pour garantir le libre choix des femmes.
Nous nous devons de rester à l’affût des motions qui sont déposées à la Chambre des communes et aux agendas de certains partis politiques. À preuve, le 30 mai 2019, les député.es de la Chambre des communes – sauf ceux et celles du Parti conservateur – ont applaudi une motion réaffirmant leur soutien au droit de la femme de choisir.
Des mobilisations qui portent fruit
C’est grâce aux actions et solidarités féministes que l’avortement est un droit reconnu au Canada. Les femmes peuvent toujours compter sur les groupes de femmes et les associations de défense de droits pour être soutenues, comprises et accompagnées dans leurs démarches, et ce, sans jugement, à travers le Canada. En Estrie, le Collectif pour le libre choix et S.O.S. Grossesse Estrie font un travail nécessaire d’accompagnement des femmes qui se questionnent sur la poursuite ou non de leur grossesse et la défense de leurs droits. Ailleurs au Québec, la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) est l’organisme tout désigné pour approfondir ses connaissances sur l’enjeu du libre choix des femmes en matière de justice reproductive.
Restons solidaires les unes des autres: nos corps, nos choix!