Afin de vous aider à vous familiariser avec les différents districts électoraux de Sherbrooke, l’équipe d’Entrée Libre a demandé à quelques artistes de nous présenter le leur. Voici ce qu’ils et elles avaient à nous dire…
Je suis une vraie Sherbrooklyn. De celles qui choisissent d’habiter leur terre natale, faire le pari de changer, grandir avec elle. Je vis dans le centre-ville de Sherbrooke, parce que j’aime la mixité sociale de mon quartier qui me rappelle tous les jours les différents visages de la Pauvreté. Je préfère la regarder, la saluer, m’asseoir parfois sur le même banc, lui ouvrir la porte du dépanneur et pelleter nos bordées de neige ensemble. J’habite le cœur du centre-ville à deux pas de ma boulangerie, des épiceries, de la poissonnerie, de la bibliothèque et de tous les cafés où j’exporte souvent mon bureau pour travailler.
En 2019, je pouvais dire que je vivais de mon art en région. Même très bien. Mes proches collaborateurs étaient à 90 % tous et toutes de l’Estrie. J’étais fière d’avoir réussi à bâtir ma petite entreprise, une équipe autour de mes projets, créer de l’emploi en région, réussir à faire descendre des subventions de l’industrie de la musique avec un grand « I » sur le territoire à travers mes « fabricoleries ». Les tournées de spectacles s’enchaînaient, les subventions, la sortie de mon nouvel album (en mars 2020) s’annonçait prometteuse. J’envisageais enfin pouvoir m’acheter, moi aussi, une maison pour faire pousser des enfants comme tous et toutes mes amis.es.
Mais depuis que le rideau est tombé sur la culture – désormais jugée non essentielle – j’ai pu voir dans les yeux du banquier que j’appartenais à la catégorie de clowns, c’est-à-dire de non-salarié.es, donc pas fiables du tout !
Ça vous garroche une belle remise en question dans la face. Mon projet de maison, ainsi que celui de continuer de vivre de mon art s’est tranquillement évaporé. Le deuil surtout de perdre mon équipe, de voir partir des collaborateurs.trices qui n’avaient désormais plus d’autres choix que la reconversion professionnelle pour survivre en région.
Mais de toute façon, qui voudra encore être artiste demain ?
Des salles de spectacles à capacité réduite, des mesures sanitaires qui ralentissent la participation du public, le contrôle des frontières et surtout des habitudes de consommation qui ont changé… et continuent de changer.
On sort uniquement pour les évènements gratuits. La musique ne se vend plus. Qui achète d’ailleurs encore des albums? Comment compétitionner avec une quantité phénoménale de contenu numérique (presque gratuit) à portée d’un clic? Pour les artisans en arts vivants, le spectacle restait en 2019 encore une manière viable pour vivre de son art. Voilà que la « reprise » culturelle reste encore fragile, incertaine. Le brouillard à l’horizon continue de s’épaissir pour les petites entreprises comme la mienne, les tournées se négocient pour l’année 2022 (Inch’Allah), sinon 2023. Mais réussir à reconstituer une nouvelle équipe artistique en région relève du miracle.
C’est arrivé enfin ! Le moment où pour la première fois, j’ose envisager avec tellement de tristesse, peut-être, quitter la région et me trouver un nouvel emploi…
Sherbrooke, parle-moi de ta vision pour les arts et la culture !
- Est-ce qu’on peut trouver ensemble des solutions pour pérenniser la pratique artistique en région ?
- Faciliter la diffusion et la circulation des artistes de chez nous sur le territoire ?
- Stimuler des maillages avec les infrastructures en place pour ouvrir des ateliers d’artistes ?
- Investir dans la création de nouveaux studios de production ?
- Créer les lieux inspirants pour que les arts se vivent ?
Il me semble que c’est un bon moment, là, maintenant, pour faire un véritable rattrapage économique en culture. Ça me fait mal de lire que l’Estrie est toujours à l’avant-dernier rang (16e sur les 17 régions administratives du Québec) en terme d’investissements municipaux culturels par habitant selon l’Institut de la statistique du Québec (Optique culture 2016). Nous avons pourtant 2 universités, 3 cégeps et une quantité assez incroyables d’artistes, d’artisan.es, de talents chez nous !
J’aurais le goût, Sherbrooke, d’être fière de toi ! Que tu deviennes la véritable capitale culturelle de l’Estrie. Enweye donc !!