par Nathalie Ferland (pseudonyme d’une personne qui veut se protéger de la violence et des préjugés envers les personnes en situation de pauvreté)
J’écris ce texte un peu comme une réflexion de fond sur les avancées québécoises en matière de lutte contre les situations de pauvreté. J’écris, car mon cœur et mes valeurs ne me permettent pas de comprendre les choix que les différents gouvernements, depuis l’adoption de la loi de 2002, ont faits en connaissance de cause et délibérément.
Bien des organismes nous sensibilisent et sensibilisent les gouvernements au sujet de la pauvreté au Québec. Il y a des organismes communautaires, des groupes de défense de droits, des associations de personnes en situation de pauvreté, des chercheurs et des chercheures en économie, en sociologie, en psychosociologie, en santé communautaire, en sciences politiques, qui se sont penchés sur les situations de pauvreté vécues par les gens seuls et les familles au Québec. Le gouvernement lui-même à ses instances pour étudier le phénomène. Des avis, des mémoires, des rapports, des statistiques ont été produits depuis 2002 et même avant. Pourtant les choix des gouvernements sont timides et ne démontrent pas qu’existe une véritable volonté politique d’en finir avec la pauvreté au Québec.
Il est extrêmement difficile pour les personnes de se loger, se nourrir, se transporter et se vêtir avec l’argent qu’ils ont entre leurs mains, peu importe d’où il vient. De plus, ces quatre postes budgétaires sont très restrictifs. Ils ne comprennent pas les besoins en santé, en santé mentale, en soins à domicile et autres éléments de la vie courante que des gens en situation de pauvreté doivent se procurer pour prendre soin de leur personne. Ils ne comprennent pas la possibilité d’inclure des loisirs dans leurs dépenses mensuelles. Pourtant il est extrêmement stressant de vivre des situations qui nous acculent à la pauvreté. Sans loisirs, il est difficile de relaxer, de cesser de compter chaque sou, de trouver des solutions aux problèmes imprévus. Nous n’avons pas idée de l’énergie gaspillée par les gens qui sont dans la survie pour se maintenir la tête hors de l’eau. Comme a dit une députée de Québec solidaire : « ces situations mènent souvent au suicide, au désespoir, à la dépression, à des carences de toutes sortes ».
Je ne comprends pas les gens qui jugent et qui regardent de haut les gens en situation de pauvreté. Je ne comprends pas que nos députés soient incapables d’empathie et de compassion envers les plus démunis. Nos choix de société sont vraiment des choix cruels. C’est pourquoi beaucoup d’experts parlent de violence économique.
Nous avons les chiffres. Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 savent quels sont les besoins de base des gens et ils savent que les programmes sociaux ne permettent pas de couvrir les besoins de base des gens. Alors, pourquoi refuser d’agir? Pourquoi y aller avec parcimonie? Le plan d’action du gouvernement Couillard a tenu compte de la réalité vécue par 84 000 personnes aux contraintes sévères à l’emploi. Il a élaboré un programme timide et lent. Mais, 84 000 personnes, c’est 10 % des 842 000 personnes qui sont sous le seuil de la pauvreté au Québec. Et ce 10 % ne couvre pas ses besoins de base. Alors, imaginez combien souffre le 90 % qui reste !
Nous sommes vraiment une société cruelle. Nous avons les moyens d’éliminer la pauvreté et nous ne le faisons pas. Nous choisissons délibérément de sacrifier 10,7 % de notre population. Je suis profondément révoltée par ce choix de société. Nous devrions vivre dans une société qui répartit équitablement la richesse. Nos préjugés nous empêchent d’éprouver la compassion, l’empathie et la générosité qu’il nous faudrait pour que le Québec soit « riche de tout son monde ». Et même Québec solidaire préfère parler de sujets moins controversés pour s’attirer des votes. Alors, si Québec solidaire se tait au sujet des pauvres… qui parlera pour ces gens ?