Il n’est pas encore 13h et déjà la foule est compacte des deux côtés de la rue René-Lévesque. Une foule de monsieur madame tout-le-monde, qui se mettent sur la pointe des pieds ou piétinent les fleurs des plates-bandes surélevées pour être témoins de l’événement de la journée: la parade de la fierté gaie de Montréal.
En tête du défilé, un transsexuel solitaire dans son pick-up allégorique tient un éventail sur lequel est inscrit «Born this gay», un clin d’œil évident à la chanson « Born this way », de Lady Gaga. Avec le recul, c’est une ouverture représentative du reste du défilé, puisque le hit en question a joué à deux reprises, si ce n’est pas plus. Pourtant, ce n’est pas que ça, la fierté gaie.
On reproche souvent à l’événement d’être trop axé sur le sexe, un peu comme s’il s’agissait d’une «partouze» imposée aux passants, une idée démentie par le nombre de photos prises par lesdits passants. Oui, il y a des gars qui dansent en bobettes et des pseudo travailleurs de la construction torse nu. Oui, il y a des drag queens dont les costumes rivalisent avec ceux de Julie Snyder dans les années 90. Mais en réalité, les organismes de soutien et les associations de la communauté sont tout aussi nombreux à défiler. C’est à la fois une fête et une manifestation, qui semble porter deux messages: « ayons du fun » d’une part, et « changeons les choses » de l’autre.
La parade est en fait à l’image de l’idéal qu’elle revendique: diversifiée. Les communautés culturelles y occupent une grande place, tout comme les entreprises qui se cherchent un capital de sympathie avec des affiches de leurs produits disposés en arc-en-ciel.
Seulement, ce ne sont pas les organismes et les associations qui attirent l’attention (mis à part les membres du club de badminton G-bleus, déguisés en raquettes et en moineaux), donc qui font jaser. Car avouons-le, il n’y aurait pas de foule pour la regarder si la parade n’était constituée que de ses éléments consensuels. Personne ne se serait déplacé pour aller voir l’Association des aînés et retraités de la communauté, même si la palme du meilleur slogan leur revient: « Nous sommes votre futur. Joignez-vous à nous.»
Comme le disent Betsy et Kimberly, interrogées à la fin du défilé, « les gens ont dansé, on eu a du plaisir. C’est dimanche et c’est gratuit. Qu’est-ce qu’on peut bien faire d’autre?» La seule chose qu’elles déplorent, c’est que personne n’a distribué de condoms comme par les années passées.
Il reste à savoir si, tout en étant un party coloré, l’événement parviendra à agir sur les mentalités. Un autre spectateur, qui n’a pas voulu se nommer, dit être venu par curiosité. Il affirme être chrétien et que «ça, ça l’incite à prier davantage.» Ce qui prouve que ce n’est pas parce qu’on assiste au défilé du début à la fin qu’on est forcément ouvert d’esprit. La communauté gaie et lesbienne a beau travailler fort pour faire accepter sa diversité, pour l’instant, la seule gagnante clairement identifiable, c’est Lady Gaga.