Écouter Netflix, en bobettes, en pigeant dans le frigo ou dans les armoires à mesure que l’ennui monte, ou que la faim, la soif perturbent cette léthargie sabbatique; voilà mon programme, voilà à quoi je ressemble certains samedis… Quand je décide de ne rien faire! Laissant la vaisselle sale, et les détritus refaire tout seul le décor de mon environnement! Ça n’est pas très sexy!
Ce matin, en me levant, j’ai gardé mes bobettes. Mais, j’ai changé la décoration du salon et de la cuisine, comme je me l’étais promis en me couchant. J’ai épuré le style, libérant les tables et le plancher et entrepris de faire la vaisselle. À mon fils qui s’était allongé en bobettes sur le divan, la tête cachée dans la crac des coussins, et à ma fille en pyjama qui s’était mise à regarder sur l’ordinateur des capsules de youtubeur, je leur ai annoncés mon grand projet: «Allons courir ce matin!». Malgré mon enthousiasme, je demeurais seul dans ce délire dominical à vouloir respirer l’air du dehors au beau soleil. Avec un entrain renouvelé, j’ai enfilé des vêtements de jogging et suis parti à la poursuite des confins du trottoir… J’ai couru jusqu’au jardin du coureur (parc Saint-François). Et j’ai tourné la tête vers la rivière.
La grande bouche de la rivière Magog déversait son flux de paroles elfiques à sa grande sœur, la Saint-François. Une conversation à une échelle de temps qui place la naissance de notre hameau à ce même instant:
— Ils ont construit un moulin, des barrages, puis, à cause qu’ils peuvent tirer leur énergie ailleurs, ils nous prennent pour des vieux accessoires, comme ceux qu’ils oublient dans le fond d’un garage!
— Apparemment, ils veulent nous dépoussiérer en tassant leur pont!
— Leur gros souci ces temps-ci, c’est d’incorporer la rue Wellington Sud!
En vérité, je me contentais d’admirer cette présence majestueuse, presque sexy, de cette tranchée dans la rive aux allures tellement céleste, comme si le ciel avec son abondance nuageuse y faisait couler un portail magique. Il faut être aveugle pour ne pas voir la présence de cette nébuleuse parmi nous. Ou trop fatigué par cette merveilleuse vie de merde qui nous tient, presque tout le temps devant un écran. Et si on pouvait traîner en bobettes sur le bord de la rivière, innocent comme des enfants sur la plage, à creuser des rigoles? Et si nous partions à la conquête de notre environnement avec autant de fébrilité que le parcours des films récemment ajoutés? Et si tous les maux de notre malaise environnemental, même celui de notre chère rue Wellington Sud, venaient du fait que nous sommes des êtres sensibles à la misère des autres sans pour autant avoir l’altruisme nécessaire pour s’en formaliser? Mais suffisamment moral et intelligent pour reconnaître qu’il s’agit là d’une table où tous et toutes sont conviées, sur un même pied d’égalité? Que, dans l’obligation de ce partage des lieux, il existe un inconfort, celui lié à une appropriation malhabile du bien commun, ou, plus précisément, à cette prise de conscience que nous pourrions faire beaucoup mieux en matière d’environnement et de justice sociale? Il suffirait d’élever nos standards et de rechercher plus sincèrement l’intérêt de tous et de toutes. Mais si, au fond, tout n’était pas une question d’efforts et de sacrifices. Ou, qu’au contraire, l’idée du confort social prenait racine dans la séparation entre les riches et les pauvres… Au prix de terribles efforts et de sacrifices? Peu importe les cours ou les activités sociales qui donnent un sentiment d’humanité, quant au bout du compte, on se justifie pour rien faire sauf… Se laisser aller dans le confort de cette ségrégation supposément naturelle… Afin de définir certaines balises dans l’administration de l’amour qui nous est consacré… Détrompez-vous! Cela n’a rien de sexy! Cela demeure ni plus, ni moins qu’une débandade en bobettes!