Depuis les derniers jours, les témoignages de violences sexuelles inondent les réseaux sociaux et divers médias. #MoiAussi (#MeToo) a circulé des millions de fois sur Twitter et Facebook. Cette initiative s’inscrit dans la foulée des accusations dont fait l’objet le cinéaste américain Harvey Weinstein. Plus près d’ici, ces révélations ont poussé d’autres victimes à témoigner des violences sexuelles qu’elles ont subies par certaines personnalités publiques: Savail, Rozon, Brûlé, Parent, etc.
À la suite des témoignages de violences sexuelles, il est alors possible de constater certains phénomènes. D’abord, celui de «défense du ‘dit potentiel’ agresseur» à grand coup de présomption d’innocence et de fausses allégations. Par la suite, une fois que leurs «idoles agresseurs» passent aux aveux, ces personnes qui scandaient initialement haut et fort l’injustice vécue par ces pauvres hommes, prennent alors le chemin de la victimisation de l’agresseur: «Bravo, nous te soutenons dans ta démarche de guérison», «faute avouée à moitié pardonnée», «ne te laisse pas abattre par des erreurs de parcours».
«La culture du viol est une culture selon laquelle les idées dominantes, les pratiques sociales, les images médiatisées et les institutions sociétales tolèrent, implicitement ou explicitement, les violences à caractère sexuel en normalisant ou en minimisant sa gravité et en blâmant les victimes pour les abus subis.» Gouvernement de l’Ontario (2011).
Mais la culture du viol ça n’existe pas!
Voici quelques commentaires véridiques qui témoignent de cette absence: «nous vivons dans un monde où les gens aiment inventer et embellir leur propre histoire dans le but de détruire la vie de celle des autres», «Pourquoi attendre si longtemps pour le dire? Vous êtes des adultes, vous n’êtes pas des enfants, vous attendez qu’il soit populaire pour le dire, voyons!», «On sait qu’un artiste a réussi dans sa carrière quand les autres essayent de salir sa réputation.», «C’est toutes des filles qui feraient n’importe quoi pour faire avancer leur carrière». On parle même de «complicité des victimes» par rapport au fait qu’elles n’aient pas porté plainte tout de suite. De «nouvelle mode» pour qualifier le mouvement de dénonciations de masse.
La culture du viol ça n’existe pas.
Curieusement, la présomption d’innocence et la victimisation du criminel ne sont pas utilisées lorsqu’on parle d’un père qui agresse sa fille, d’un homme ou une femme qui blesse un jeune enfant, d’un meurtrier qui tue la caissière du dépanneur, quand la banque du quartier se fait cambrioler, quand le comptable a fraudé ses investisseurs. Mais, dans les cas d‘agression sexuelle, on clame haut et fort la présomption d’innocence et l’exagération des victimes. Je tiens à rappeler à ces fervents juristes improvisés que les fausses accusations surviennent seulement dans 2% des cas, 2%! National Criminal Justice Reference Service, 2006. Ça fait beaucoup de présomptions pour une situation si peu collée à la réalité! Et pour ceux qui ne comprennent pas le délai entre les évènements et la dénonciation, laissez-moi vous parler de la honte, de la peur, du système de justice mal adapté aux victimes, des enjeux familiaux, de l’intimidation vécue. En fait, relisez simplement les commentaires qui sont propagés librement sur les réseaux sociaux et demandez-vous si à leur place vous dénonceriez l’agresseur. On comprend assez rapidement que pour nous aussi, il aurait été plus évident d’y faire face en groupe qu’individuellement.
J’arrive à comprendre le phénomène par lequel les femmes et les hommes tentent de garder une distance entre une situation qui peut leur sembler horrible, soit «être agressé» ou «être agresseur». Mais tenter de trouver des raisons logiques à une problématique qui ne l’est pas, c’est ça, entre autres, la culture du viol!
Depuis plus de 35 ans, le Calacs Agression Estrie vient en aide aux femmes et aux adolescentes (12 ans et plus) ayant été victimes d’agression à caractère sexuel ainsi qu’à leurs proches.