Quatre amis, bourgeois et fatigués de leur vie de bourgeois, s’enferment dans une villa pour un « séminaire gastronomique » qui en toute conscience les conduira un par un à la mort. Que veut dire ce film, coproduction franco-italienne de 1973, en 2022 ? Il est évident que 50 ans plus tard, la notion d’abondance, de légèreté, voire d’esthétisme a pris une autre tournure. Et pourtant, La Grande Bouffe garde toute sa charge subversive, presque obscène si elle n’était pas si ouvertement drôle et satirique. Incarnés par Marcello Mastroianni, Philippe Noiret, Michel Piccoli et Ugo Tognazzi, stars et talents incroyables de ce cinéma populaire et à message, ces quatre amis s’attablent à bâfrer méthodiquement les mets les plus fins et les plus caloriques qu’un grand restaurant peut offrir à tout gourmet qui se respecte. Victimes de leurs vices et de leurs névroses, la Grande Bouffe est une claque dans la gueule, qui nous donne à voir la décadence de celles et ceux qui peuvent mourir en chantant, quand tant d’autres crèvent la bouche ouverte en essayant de vivre.
L’auteure et militante innue signe ici son troisième recueil de poésie, traitant des thèmes du territoire ancestral, de pratiques traditionnelles comme la chasse et la cueillette, ainsi que de la féminité. Ces sujets s’entremêlent les uns aux autres, entre deux métaphores alimentaires plus sensuelles les unes que les autres.
Pour illustrer mon propos, un extrait de son poème « La cueillette » : « L’horizon / fruit mûr / bleuet du crépuscule / pour le premier baiser // Les abricots tombés de l’arbre / sauront-ils la sensation d’être mangés ? / d’entrer dans le corps / de connaître la langue / la salive / la saveur ».
Il s’agit d’un détour poétique qui m’aura fait m’intéresser à la cuisine autochtone dans le cadre de cette chronique, mais pas que. Natasha Kanapé Fontaine nous livre une œuvre sensible, permettant de mieux cerner les enjeux identitaires auxquels font face les femmes des Premières Nations.
Se nourrir est un besoin essentiel. Ce geste intime devient hautement politique lorsque l’on considère que nos habitudes alimentaires entraînent des répercussions sur la santé de la planète et sur les populations qui y vivent. Pour exercer son pouvoir à ce niveau, l’écosociologue Laure Waridel propose le guide L’envers de l’assiette et quelques idées pour la remettre à l’endroit. Au cœur de l’ouvrage, sa formule des 3N-J, voulant dire Nu (réduction des emballages), Non-loin (réduction du transport des aliments), Naturel (réduction de la transformation des aliments) et Juste (partage équitable de la richesse provenant de la production alimentaire). Des illustrations percutantes et de nombreuses capsules « Le saviez-vous… » viennent bonifier le tout en apportant des informations sur nos habitudes alimentaires et sur des solutions envisageables. Si on peut reprocher à Laure de trop se concentrer sur l’individu et non sur la collectivité, elle se reprend admirablement bien à ce niveau avec son plus récent essai La transition, c’est maintenant.