Les projets de biométhanisation qui transforment les matières résiduelles en biogaz sont devenus une mode au Québec depuis quelques années. Mais les succès de la biométhanisation n’ont rien à voir avec sa rentabilité.
Si c’était le cas, le gouvernement du Québec n’aurait pas senti le besoin d’accorder 38 millions de dollars au Programme Biogaz, l’année dernière. Ce dernier a pour but d’aider les villes qui le souhaitent dans l’installation de tels projets. Le tout se veut une tentative de réduire les gaz à effets de serre causés par le méthane produit dans les lieux d’enfouissement.
Récemment, la Ville de Sherbrooke nous a annoncé qu’elle souhaite s’ajouter à la longue liste d’endroits (Rivière-du-Loup, Montréal, Thetford Mines, Saint- Athanase, etc.) qui ont déjà ou qui proposent un centre de méthanisation sur leur territoire. Pour une somme de 127 millions de dollars, la ville souhaite construire un nouveau centre de méthanisation qui transformera notre compost en biogaz au lieu d’enfouissement technique (LET) à Bury, où les ordures de l’ensemble de la MRC du Haut- Saint-François se retrouveront à partir de 2013. Ce carburant sera ensuite utilisé pour alimenter 60 autobus de la STS. Aussi, la méthanisation est présentée comme une véritable solution utopique pour sauver l’environnement.
Qu’en pensent les environnementalistes?
Selon André Nault, président et fondateur des Amis de la Terre de l’Estrie, ce concept mérite d’être questionné et présente aussi plusieurs problèmes.
M. Nault suggère premièrement de revisiter l’ancien site d’enfouissement sanitaire (LES) de Sherbrooke, fermé depuis le mois de juillet 2008. « L’ancien lieu est déjà en train de produire du méthane, souligne-t-il. Il était question de chauffer le CHUS avec l’électricité potentielle que ça produit, mais après des études de faisabilité, la conclusion était que le LES (situé sur la rue Desaulniers) était trop loin pour alimenter le CHUS. L’idée est morte sans essayer d’alimenter une autre bâtisse à proximité, comme le CEGEP.»
Pour M. Nault, construire un nouveau centre de méthanisation sans même utiliser ce qui existe déjà est superflu.
Ça ne se termine pas là
Sans se prétendre mathématicien ni physicien, M. Nault pose d’autres questions :
«Si ça coûte 127 millions de dollars pour alimenter 60 autobus, on parle de plus de 2 millions de dollars par autobus. Cet argent ne pourrait-il être mieux utilisé ailleurs?», demande-t-il.
De plus, M. Nault se gratte la tête en se demandant le taux d’énergie qu’un centre de biométhanisation requière pour opérer. « Si c’est plus que ça produit, nous ne sommes pas plus avancés! », lance-t-il.
M. Nault est aussi perturbé par le fait que notre compost (un produit valant de l’or chez les agriculteurs) sera utilisé comme carburant . «C’est un peu le même discours que l’utilisation de l’éthanol comme carburant. Je pense que le compost devrait être utilisé pour alimenter nos jardins et notre terre », dit-il.
M. Nault craint que le prix du pétrole ne continue d’augmenter. Ce qui, croit-il, va aussi faire augmenter le prix de transport de la nourriture vers les épiceries. «A ce moment-là, ça serait plus utile d’utiliser notre compost dans nos jardins si on veut manger», nous rappelle-t-il.
M. Nault craint aussi que ce projet de biométhanisation, présenté comme la solution de nos problèmes environnementaux, n’encourage les citoyens non pas à moins consommer et à moins gaspiller, mais plutôt le contraire.
M. Nault ne prétend pas avoir les réponses, mais dit avoir beaucoup de questions.
Pour sa part, le maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny, ne prétend pas avoir toutes les réponses non plus. Il admet que les détails du projet n’ont pas encore été décidés, mais qu’il a été mis au point afin de participer au concours de subventions présentement offert par le gouvernement provincial.
La Ville ne prétend pas faire de l’argent avec ce projet. Selon M. Sévigny, « c’est davantage pour se donner une façon de procéder pour protéger notre environnement». Pour la Ville, le projet pourra se comptabiliser en termes de récupération de méthane pour faire rouler des autobus, et elle espère aussi améliorer son bilan d’émission de gaz à effets de serre.