Avril : mois de l’autisme

Date : 1 mai 2023
| Chroniqueur.es : Julie Blackburn
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Depuis le 2 avril et même un peu avant, on entend parler d’autisme. Depuis, j’ai le poil des bras qui me fait mal tellement j’ai des frissons de peur, j’ai une boule dans le ventre tellement je me sens invalide, je n’ai plus envie de vivre tellement j’ai honte de qui je suis.

On parle du mois de « sensibilisation » de l’autisme depuis 8 ans au Canada. Au Québec, les organismes ont décidé de conserver le mois de l’autisme en avril, car le changer au mois d’octobre ne leur permettait pas de recueillir des fonds ( !). C’est la période réservée à Centraide au Québec pour sa campagne de financement 1

Une Fondation, que je ne nommerai pas, vend des chandails bleus avec un slogan comme levée de fond. Et elle n’est pas la seule. C’est ben beau avoir besoin de ressources financières pour aider les autistes, mais c’est quand qu’on les entend parler de leur réalité, ces personnes qui sont aidées ?

Si vous voulez « sensibiliser » à la réalité autistique, pourquoi ne pas juste en parler, sans utiliser ce moment de l’année pour vendre des articles ? Cela dit, les services offerts aux autistes sont sous-financés et majoritairement pour les enfants et leur famille. Les fonds servent surtout à la recherche pour comprendre l’autisme. Pendant ce temps, les personnes autistes sont laissées à elles-mêmes avec leurs idées suicidaires et le manque d’accès au diagnostic ou aux services pour les accompagner dans leur autonomie.

Les associations régionales de la Fédération québécoise d’autisme organisent des conférences. Des spécialistes ( !), des médecins, des psychologues et parfois des personnes autistes 2. Ces adultes qui font briller leur réalité neuroatypique, mais qui passent juste assez comme allistique pour ne pas trop déranger. L’Aspie Prémium3 (allez lire cet article qui l’explique mieux que moi).

Comment en parler

• Premièrement, on n’utilise pas les termes suivants : trouble, maladie, guérir, vaincre, souffrant d’autisme, atteint d’autisme, déficit, améliorer, réduire les symptômes (liste non exhaustive). On parle d’autisme, de personne autiste ou être autisme. Point.

• Deuxièmement, la couleur. Oubliez le bleu. Cependant, comme Bleuet Atypique4 , si ta couleur préférée comme autiste est le bleu, tu as le droit de l’utiliser. (Je dois vraiment spécifier la nuance ? !). Cette couleur a été choisie au départ par Autism Speaks, une association américaine eugéniste5 , validiste6 et raciste (tsé, les valeurs des nazis…). Comme le mentionne la Fédération québécoise de l’autisme cette année, faisons plutôt briller l’autisme dans toute sa diversité, peu importe la couleur. Mention et remerciements à Mélanie Ouimet qui a initié le concept de neurodiversité, la diversité humaine, l’intelligence sous toutes ses formes : la diversité du cerveau, corps et esprit humain, avec ses souffrances et blessures, avec ses couleurs et lumières7 .

• Troisièmement, l’image de la pièce de casse-tête… à bannir! Elle fut inventée par une organisation britannique en 1963, la National Autistic Society. Le logo original était un morceau de casse-tête avec un enfant qui pleure. Cette représentation de l’autisme est infantilisante et a conduit des générations d’autistes à recevoir des traitements pour traiter la « maladie dont il(elle)s étaient atteint·e·s». Aujourd’hui, Autism Speaks (plus haut) a repris le symbole. Tu me suis…
Notez qu’il ne nous manque pas de morceaux (je ne suis pas un morceau manquant.) et on n’a pas à être guéri·e·s (nous sommes des personnes, pas des énigmes scientifiques).

• S’il y a des autistes qui s’identifient à ce symbole, et bien, tant mieux si iels le reprennent ! Mais en tant que personne allistique, on évite, ok.

Bon, maintenant, vous allez me dire qu’on ne peut plus rien faire ni rien dire pour souligner l’autisme. Au contraire ! Comme dans toutes les luttes aux privilèges, lors de ces journées ou mois, Journée des droits des femmes (sexisme), Journée nationale des Autochtones, mois de l’Histoire des noir·e·s (colonialisme), mois de la Fierté (hétérocentrisme et ciscentrisme) qui n’en sont qu’un échantillon, si ce n’est pas ta réalité, ÉCOUTE. Laisse la place aux personnes qui la vivent et qui, une fois par année, ont la légitimité et une tribune pour en parler.

C’est ça être une personne alliée.

Les autistes sont les personnes expertes de leur vie, leurs voix sont légitimes et doivent être mises de l’avant, et ce, même si la personne ne communique pas de façon verbale.
Parents, ami·e·s, professionnel·le·s de la santé, ÉCOUTEZ-NOUS.
Jamais rien sans nous sur nous.

Aller plus loin
Sur les idéations suicidaires chez les personnes autistes
Sur la Journée internationale de l’autisme, le 2 avril
Sur le concept de Neurodiversité
Sur « Rien sur nous sans nous »


1 Petite histoire du Mois de l’autisme, Fédération québécoise de l’autisme

2 Allistique : personne neurotypique, non autiste

3 Qu’est-ce qu’un Aspie prémium ?, Neurostyles – La revue de CLE Autistes

4 Bleuet Atypique

5 L’eugénisme est «  l’ensemble des méthodes et pratiques visant à sélectionner le patrimoine génétique des générations futures d’une population en fonction d’un cadre de sélection prédéfini  ». Wikipédia

6 Validiste : Qui fait preuve de discrimination envers les personnes en situation de handicap. Le Robert, Dico, en ligne

7 Neurodiversité – L’intelligence sous toutes ses formes

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