La Fatigue des fruits
Jean-Christophe Réhel, 2018
Je pensais, jusqu’à y’a pas si longtemps, que la poésie se limitait à Rimbaud, Baudelaire [et quelques autres, mais dans le genre vieux et beige]. D’accord les classiques, mais ce n’est pas à l’école qu’on m’a donné l’impression que c’était accessible ni même intéressant. Turns out la poésie est partout. [D’ailleurs rap est un emprunt à l’anglais, de l’acronyme rythm and poetry.] Auteur de plusieurs recueils de poésie, dont un jeunesse et un roman, Jean-Christophe Réhel est aussi collaborateur pour Le Devoir et a partagé ses Lettres Poétiques à l’émission radio Plus on est de fous, plus on lit de Radio-Canada. Pas besoin d’être snob, ni de sortir du XIXe siècle pour apprécier. C’est doux. C’est lent. Lumineux. Des fois pas. Ça fait sourire. D’autres fois ça pogne à la gorge. C’est beau. Surtout à voix haute.
« Je vais nous construire une cabane
Il y aura des craques partout
Parce que l’air est un vieil ami »
Colle-moi
Véronique Grenier, 2020
Je pense que Véronique Grenier, à Sherbrooke surtout, n’a plus besoin de présentations. Prof de philo au Cégep et autrice, son dernier recueil s’adresse aux enfants à partir de 9 ans, dans la même collection que Peigner le feu de Réhel, aux éditions La courte échelle. Ce recueil traite de séparation parentale, de peur, de tristesse, du point de vue d’un garçon dont la famille se brise. Un sujet pertinent abordé avec beaucoup de délicatesse. Ce court livre se lit d’une traite et est brillamment racontée. Je pense que beaucoup se reconnaîtront là-dedans. Un joli objet à laisser traîner sur le coin de la table et à échanger à l’école et peut-être amorcer des discussions. Une écriture colorée et imagée.
« Ma famille aurait eu besoin d’un canot
pour traverser du salon à la cuisine.
C’est là que j’ai appris à nager »
Pigments Névralgies
Léon-Gontran Damas, 1966
Auteur moins connu du mouvement de la négritude, le métisse Léon-Gontran Damas – né d’un père guyannais et d’une mère martiniquaise – vient des classes aisées créoles, ce qui lui permet d’étudier le droit et les langues à Paris. C’est là qu’il s’implique, aux côtés d’Aimé Césaire et d’autres artistes et intellectuels noirs. Aussi appelé le « Nègre Damas », l’auteur tient à faire rayonner la culture africaine, bien que son métissage lui facilite la tâche dans la publication de ses oeuvres, de par ses contacts au sein des revues littéraires. C’est ainsi qu’il arrive à faire publier le présent ouvrage. Plus accessible qu’Aimé Césaire, ses textes, souvent dédiés à d’autres auteurs noirs, ne sont pas moins engagés pour autant. L’auteur y survole les thèmes de l’exil, de la honte, de l’assimilation et du métissage, comme on peut le constater dans son poème Le Hoquet, ou dans cet extrait de Pareil à ma légende:
« Des cheveux que je lisse
que je relisse
qui reluisent
maintenant qu’il m’en coûte
de les avoir crépus ».
C’est une lecture belle et indignée.