Tout d’abord, il faut comprendre qu’une décroissance de la consommation des pays riches comme le Canada est tout simplement inévitable, et ce pour des raisons très simples.
Dans le contexte où l’on utilise bien plus de ressources que la planète ne peut en produire, où la désertification des terres arables freine déjà notre capacité de production alimentaire, où l’accès à l’eau devient un problème même en Occident, où la population mondiale devrait continuer de croître au cours des prochaines années et où de nombreux pays en développement augmenteront vraisemblablement leur niveau de consommation en s’inspirant du mode de vie occidental, l’issue paraît évidente. Même les jolies voitures électriques ne régleront pas le problème. Il y a certes des enjeux liés à la production d’électricité et à l’extraction de plusieurs minéraux pour leur construction, mais sur une planète où l’optimisation des ressources devrait être dorénavant notre obsession, le simple fait de déplacer un petit corps humain dans une boîte de métal de plus d’une tonne constitue une absurdité. Il est aussi très improbable que les énergies renouvelables ne permettent, au cours des prochaines décennies, de produire autant d’énergie que ce à quoi les énergies fossiles nous ont habitués. Et, de toute manière, comme l’a joliment souligné l’astrophysicien Aurélien Barrau : « Avec un bulldozer qui fonctionne à l’énergie solaire, on peut raser la forêt amazonienne. » Donc, s’il nous faut absolument nous engager dans la voie de la décroissance matérielle et énergétique, pourquoi ne pas planifier la descente plutôt que de subir la chute ?
On nous vante depuis longtemps une croissance qui profiterait à tous, mais dont les plus riches accaparent pourtant la part du lion depuis des décennies. Des recherches menées par Kate Pickett et Richard Wilkinson laissent entendre que la croissance effrénée, eh bien… c’est pas si chouette que ça en a l’air. On y découvre essentiellement que, parmi les pays riches, il n’y a que très peu de lien entre le revenu moyen et les problèmes sociaux et de santé. Cependant, on y apprend aussi que, toujours dans les pays riches, ces problèmes sociaux et de santé augmentent étrangement au même rythme que les inégalités sociales. En d’autres termes, dans les pays riches comme le nôtre, la croissance, puisqu’elle génère naturellement des inégalités en se retrouvant plus souvent qu’autrement aspirée dans les poches des plus fortunés, nuit directement à notre santé physique et psychologique. Les États-Unis, symbole de la richesse et des inégalités, affichent le constat d’un pays dont la majorité de la population souffre dans l’abondance d’une minorité.
Il faut se souvenir que la croissance économique est simplement un outil, et qu’il ne peut être considéré comme une fin en soi. Avoir accès à un logement décent, à des soins de santé ou à des services psychosociaux de qualité, avoir du temps pour développer des relations sociales harmonieuses ou s’adonner à l’art, voilà ce à quoi pourrait aspirer une société saine. Si, en plus de détruire la vie sur Terre, l’accroissement du PIB est incapable de favoriser l’atteinte de toutes ces choses qui nous importent, à quoi sert-il ? Diminuer notre consommation mènera à moins de production, abaisser le niveau de production impliquera moins de travail nécessaire et réduire les heures de travail signifiera plus de temps libre, moins d’anxiété et une meilleure santé. Retrouvons le temps de nous occuper de nos enfants et de nos aînés.
Voici simplement quelques pistes de solution qui nous permettraient de diminuer nos besoins en ressources sans pour autant amoindrir notre confort :
- afin que tous puissent combler leurs besoins de base, redistribuer massivement la richesse pour assurer des services publics accessibles et universels ;
- aider à freiner l’obsolescence programmée en assurant un droit à la réparation ou en imposant des garanties minimales prolongées sur des produits dont la durée de vie pourrait être augmentée par les constructeurs ;
- interdire la publicité non essentielle, car on dépense pas mal de ressources financières en marketing et en publicité pour nous inventer des besoins, et parce que lorsqu’il te faut absolument un gros camion pour le travail, il n’est généralement pas nécessaire qu’un homme à la voix grave te le rappelle entre deux périodes de hockey.
Bref, notre décroissance collective, la veut-on subie ou planifiée, imposée ou choisie, souffrante ou conviviale ?