Dans le champ des possibles, il y a d’abord l’idée de s’ouvrir à ceux qui portent le regard sur nous, mais également l’idée d’ouvrir les horizons en captant tout ce qui nous entoure.
La métaphore était toute trouvée lorsque la Galerie G de BR évoque le bourgeon, avec cette capacité de faire ce que l’on doit être. De commencer quelque part pour finir ailleurs. De prendre une forme pour en adopter une autre. De ces renaissances, sans cesse au fil des ans, pour arriver à l’essence même de leur art, le temps d’une courte vie ou plutôt, comme un bourgeon, le temps de nos innombrables courtes vies. C’est un peu de cela que partagent les 4 artistes qui bonifient la nouvelle exposition dans ce lieu de recueillement, celui d’avoir emprunté différents chemins pour arriver au fur et à mesure à laisser voir les pétales artistiques.
Acte I, succombez à ce doux parfum!
Dans ce premier volet, on portera un regard sur Alexandra Collin. Avant de se lancer dans la peinture en 2018, et à temps plein depuis 2020, elle a initié dans un univers totalement différent, avec une maîtrise en orthophonie. Elle se rapproche des arts visuels en 2015 et notamment la photographie qui lui permettra de se découvrir artistiquement. De ses débuts marqués par la curiosité envers cet art, art qui va lui permettre d’avoir des nouveaux défis, le chemin emprunté va la faire sortir de sa zone pour enfin lui donner la possibilité de développer, de travailler sa créativité. Son attirance se porte sur la lumière, les couleurs et les textures. La photographie sera une étape importante pour lui apporter la confiance nécessaire pour peindre. De ce petit rêve enfouit, voyez le résultat dans Le Champ des possibles.
Souley Keïta : On observe une nature en mouvement avec une ligne, cette ligne présente sur vos tableaux qui prolonge une continuité, un lien entre différents éléments. Est-ce qu’à travers votre art, on peut supposer que c’est à notre tour d’apprendre à nous adapter ?
Alexandra Collin : Je trouve que c’est intéressant comme point de vue, car je pense que c’est un peu inconscient lorsque je le fais. On m’a toujours dit qu’à travers mon travail artistique, il y avait ma capacité à m’adapter aux situations, aux gens. La vie nous demande toujours de nous adapter, à travers mon art, j’ouvre la porte sur quelque chose, mais la personne qui le voit peut choisir ce qu’elle veut voir. Il m’arrive, lorsque je travaille, par exemple sur Blue Hour Memories, d’y voir comme un souvenir lorsque je faisais de la photo à l’heure bleue. L’heure bleue est un moment très tranquille alors que la lumière va à une vitesse folle donc il faut capter au plus vite les moments fugaces, il faut s’adapter en un rien de temps, car c’est éphémère. C’est cette adaptation que j’ai essayé de mettre sur la toile, un moment très volatile, un moment capturé qui n’est déjà plus là.
Souley Keïta : Lorsque l’on s’intéresse à la disposition des tableaux, il y a des parties qui se composent de différentes couleurs pour atteindre à chaque fois une étape importante, par exemple Daughters of the Sun qui est le point culminant de la série couleur chaude. Est-ce qu’il y a une symbolique dans le placement des tableaux ?
Alexandra Collin : Ce qui est intéressant à travers le placement de cette série, c’est que les filles de la galerie ont eu un choix qui leur revient d’avoir placé la série de tableaux telle quelle. C’est vraiment un heureux hasard, car je travaille une série avec une idée spécifique en tête et jamais avec l’idée d’un tableau unique, cela m’est tout bonnement impossible. Les tableaux me viennent en série, je pense qu’il y a cette réflexion dans la création de mes séries.
Souley Keïta : On superpose votre humanité à cette décomposition de la nature dont les couleurs suivent un processus, un cycle. Peut-on y voir comme finalité ce cycle dans lequel si on prend le temps, on peut se trouver ou se retrouver ?
Alexandra Collin : Je pense que oui. Cette série a été réalisée pendant le confinement. Nous étions entre l’automne et l’hiver, une période interminable où nous n’avons pas eu de Noël, de Jour de l’an… En fait rien, nous n’avons rien eu et c’est à ce moment précis que je l’ai créé. On dirait que j’avais besoin de cela durant cette période, car habituellement mes œuvres sont moins colorées, moins primaires et plus en nuance. À travers cette série, j’avais besoin d’un punch de couleurs, un punch de couleurs plus tranchées. J’ai essayé de représenter, de façon abstraite, les petites choses auxquelles je pouvais me raccrocher; des choses qui pour moi ne changent pas et ne bougent pas. Lorsque je mentionne cela, je pense aux souvenirs, des souvenirs que l’on ne peut pas m’enlever, car ils sont gravés. Je pense également au changement des saisons, ils reviennent toujours. Le soleil se lève toujours, le ciel est toujours là ou même les migrations d’oiseaux. On peut s’accrocher à ces petites habilités.
Dans ces souvenirs, je peux évoquer ma mère qui me disait qu’aussitôt que j’ai été capable de marcher, je faisais une fixette sur les arbres, le ciel, je suis encore comme ça aujourd’hui, avec une fixation sur la lumière et le ciel. Il y a le côté photographe qui ressort, la lumière ne ressort pas pareil l’hiver ou l’été. De ces couleurs, il y en a que j’affectionne plus, car elles sont rattachées à mes souvenirs, notamment le vert, le bleu, le rouge.
Je vous invite dans ce doux rêve de plonger dans un océan de couleurs à travers l’univers d’Alexandra Collin. Un rêve apaisant!