Le vrai visage du féminisme

Date : 6 mars 2013
| Chroniqueur.es : Jeane-Èva Dupuis
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Mères, étudiantes, travailleuses, artistes, hommes, jeunes femmes, femmes âgées, coiffeuses et « truckeuses », le féminisme n’a pas de visage.

Nous y avons été récemment confrontées, puisqu’ayant pris position publiquement en publiant un communiqué de presse contre le choix restreint de costumes d’Halloween offerts aux femmes, la majorité de ceux-ci étant soit très sexy, soit stéréotypés; nous avons entendu un discours que nous croyions oublié au grenier depuis bien longtemps. Ce qui nous a amenées, au Centre de santé des femmes de l’Estrie, à réaliser une entrevue pour Radio X Montréal, qui se demandait bien pourquoi nous étions sorties pour dénoncer « des beaux petits costumes sexy ». Suite à cette entrevue, Éric Duhaime a demandé à ses auditeurs, sur les réseaux sociaux, de répondre à la question : « Que pensez-vous des féministes qui dénoncent les costumes d’Halloween sexy? » Je vous épargne les 440 commentaires qui en ont découlé, mais voici ceux qui ont particulièrement attiré notre attention :

« Ce n’est pas de la faute aux femmes qui peuvent se permettre un costume sexy, si les féministes ont majoritairement des « shapes » de poires. »

« Probablement qu’elles ne peuvent exciter un homme même costumées! et vlannnnnnnnn! »

« Les féministes devraient militer de l’intérieur et porter leurs efforts pour que les (grosses) mangeuses de pogos-moutarde French ne portent plus de leggings blanc sale et leur chandail de loup et qu’elles ne fument plus devant le Mc’Do. »

« Qu’elles portent leurs robes en terre cuite et qu’elles arrêtent de nous faire chier! »

Ces extraits font resurgir un discours que nous croyions éteint depuis belle lurette. En analysant celui-ci, nous pouvons en venir à la conclusion que pour la plupart des gens qui ont commenté le statut de monsieur Duhaime, une féministe, c’est une femme grosse, laide, poilue, hippie et qui, de surcroît, n’aime pas les hommes. Ce sont d’énormes préjugés qui sont portés ici et, même si ce n’est pas la première, ni la dernière fois que nous serons confrontés à ces jugements persistants sur le féminisme, il est tout de même inquiétant de penser qu’en 2012, certaines personnes considèrent le féminisme de cette façon, alors que cette lutte, au quotidien, se vit dans un désir de paix et d’harmonie entre les sexes, dans une attitude d’ouverture et de reprise de pouvoir sur sa vie. Le féminisme n’a pas de visage, il peut prendre toutes les formes. Le féminisme, c’est de porter une réflexion sur la pression exercée par la société sur les femmes et de prendre position.

Un autre point important sur lequel nous nous sommes arrêtés est celui de l’apparence. En effet, la majorité des commentaires portaient sur l’apparence des femmes. Une belle façon de constater que la pression que l’on exerce pour que les femmes ressemblent au modèle de beauté unique est bien présente dans la population. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les femmes, bien évidemment. Les commentaires, que l’on peut qualifier de haineux, vont souvent dans ce sens. En tant qu’intervenante d’un groupe de soutien pour les personnes qui souffrent de troubles du comportement alimentaire, je peux affirmer que la pression sociale pour ressembler physiquement à ce modèle de beauté unique inaccessible fait souvent partie des facteurs causant la maladie. Ce qui nous ramène à la réflexion que le corps de la femme est continuellement exposé aux jugements et aux regards de l’autre.

En tant que féministes, nous croyons que la beauté peut s’incarner dans tous les types de corps. Le féminisme ne valorise pas le poil, la grosseur ni la laideur, comme semblaient dire certains auteurs des commentaires recueillis. Nous valorisons une diversité de corps. Mince, grand, petit, en rondeur, avec des particularités physiques distinctes, le corps ne représente qu’une partie de l’être humain devant nous, et nous l’acceptons et le trouvons beau ainsi. C’est pourquoi le culte de l’apparence fait partie de notre combat. Loin de vouloir empêcher les femmes d’être sexy, nous croyons que séduire ne passe pas seulement par l’image, mais plutôt par plusieurs facteurs. Nous croyons et prônons l’acceptation du corps des femmes et des hommes, et souhaitons que ceux et celles-ci puissent développer leur esprit critique face aux images auxquelles ils sont confrontés tous les jours, au cœur de leur quotidien. Nous souhaitons que les femmes voient leur beauté comme faisant partie d’un tout, d’une globalité. C’est pourquoi nous avons cru important de répondre aux commentaires haineux qui constituent, selon nous, des préjugés tenaces et persistants que l’on se doit de défaire en démontrant que le féminisme n’a pas de visage…

Article produit pour le Comité images et pubs sexistes du Centre de santé des femmes de l’Estrie, où l’auteure est intervenante.

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