Entrevue avec un travailleur migrant temporaire de Sherbrooke

Date : 1 juin 2021
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Le 13 mai dernier, notre organisme a tenu un atelier en ligne portant sur les enjeux du travail migrant, des permis, des statuts et le respect des droits et l’accès aux services. Complexe, le sujet a été abordé avec brio par notre invitée, la docteure Jill Hanley, professeure à l’École de travail social de l’Université McGill et directrice scientifique de l’Institut universitaire SHERPA sur les migrations, la diversité et la santé. Elle est également cofondatrice du Centre des travailleurs et travailleuses immigrant.es à Montréal, où elle participe activement depuis 2000.

La présentation de Mme Hanley est disponible en ligne :

En première partie de l’atelier, nous avons eu un partage concret d’expérience ici même à Sherbrooke grâce au témoignage d’un de nos membres. Nous l’avons rencontré à la fin de l’été dernier et il avait été congédié par l’entreprise pour qui il travaillait, avec un permis de travail nominatif, c’est-à-dire fermé. Donc, il ne pouvait trouver un travail ailleurs même si plusieurs entreprises avaient des postes dans son domaine qui est la soudure industrielle.

Notre organisme soutien la fin des permis de travail nominatifs pour les travailleurs et les travailleuses migrant.es temporaires. De façon plus large, nous revendiquons la régularisation immédiate, complète et permanente des statuts migratoires de toutes les personnes migrantes vivant ici. Une question de dignité humaine ! En ce sens, nous vous invitons à suivre la grande marche de Montréal à Ottawa du 18 au 25 juillet organisée par Solidarité sans frontières.

Comment et pourquoi es-tu venu ici travailler et quand est-tu arrivé à Sherbrooke ?

J’ai décidé de venir travailler ici après avoir reçu une invitation de l’entreprise québécoise pour qui je travaillais déjà depuis deux ans en Colombie, mon pays d’origine. J’ai eu un permis de travail temporaire d’un an, fermé à cette seule entreprise. Je suis venu pour travailler pour le bien-être de ma famille car l’insécurité et la pauvreté sont très présentes dans mon pays. Je suis arrivé ici en novembre 2019.

Quand a débuté et combien de temps a duré l’intimidation au travail et qu’est ce que l’employeur a fait pour régler la situation ?

Peu de temps après avoir débuté le travail, l’intimidation a pratiquement commencée immédiatement de la part du nouveau superviseur qui m’a été assigné. Il m’a maltraité pour ne pas parler français, crier après, lancer des outils près de moi menaçant mon intégrité. J’ai eu une rencontre avec l’employeur et j’ai parlé de la situation problématique. Ensuite, ma probation a été prolongé contrairement aux autres travailleurs temporaires ayant commencé en même temps que moi, mais n’ayant rien dit au sujet de ce superviseur. L’employeur m’a fait signer la prolongation sans que je sois pleinement au courant du contenu, car c’était avec une mauvaise traduction fournie par l’employeur. Je m’en suis rendu compte après en traduisant chez moi le document sur mon téléphone. La situation était très difficile psychologiquement et l’intimidation du superviseur s’est aggravée dans les semaines suivantes.

Quand l’employeur t’as avisé du congédiement et pour quel motif ?

À la toute fin de la période de ma deuxième probation à la fin mai 2020, soit après près de 7 mois de travail pour l’entreprise. La raison officielle est que je ne maîtrise pas assez le français bien que ce soit le cas pour les autres travailleurs temporaires.

Remarque d’Illusion Emploi : La raison officieuse ressemble fortement à un congédiement déguisé, c’est-à-dire que l’employeur au lieu de régler la question de l’intimidation du superviseur, a congédié le travailleur qui a parlé de la situation problématique.

Quelles difficultés as-tu affrontées et comment as-tu pu obtenir de l’appui ?

Une seule option était de retourner au pays, mais avec la pandémie cela était même impossible avec les aéroports fermés. Plusieurs semaines sans revenus, j’ai vécu beaucoup de détresse morale et psychologique sans connaître les démarches possibles et l’entreprise m’a donné aucune ressource ou informations. J’ai deux enfants dans mon pays qui comptaient sur mon travail ici et qui ont subi encore plus les conséquences de cette situation précaire et injuste. Le contexte de la crise sanitaire a appauvri beaucoup la population et la faim se fait sentir plus que jamais en Colombie et j’étais impuissant face à la situation. Heureusement, j’ai eu l’appui miraculeux d’une dame de Sherbrooke originaire de mon pays et j’ai connu ensuite Illusion Emploi pour m’accompagner et m’informer sur les possibles voies pour travailler dans une autre entreprise. L’appui du fonds crée par le collectif Ensemble avec les personnes migrantes contre le racisme avec la contribution d’Illusion Emploi m’a grandement aidé dans cette période très difficile.

Que se passe-t-il maintenant ?

Je travaille depuis avril dernier pour une nouvelle entreprise de la région. Cette entreprise a fait les démarches d’EIMT (études d’impact sur le marché du travail) pour démontrer qu’elle ne trouvait personne pour combler des postes. J’ai eu le ok pour débuter moins d’un mois avant la fin de mon visa et j’attends toujours d’obtenir mon permis de travail temporaire, fermé avec cette nouvelle entreprise et cela se passe très bien.

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