Entrevue avec Claudèle Domingue et David Maurice
AVEC LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19 ET LES EFFETS ANTICIPÉS SUR LES PRIX ET L’APPROVISIONNEMENT, LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE EST LARGEMENT DISCUTÉE ACTUELLEMENT. LE PANIER BLEU A ÉTÉ CRÉÉ PAR LE GOUVERNEMENT LEGAULT SUR LA BASE DES COMMERCES DE PROXIMITÉ, INCLUANT UN RESTAURANT SUBWAY OU UNE ÉPICERIE IGA PRÈS DE CHEZ VOUS (!?). IL EST ÉLOIGNÉ DES CONCEPTIONS ET DES PRATIQUES ANCRÉES DANS LE MOUVEMENT PAYSAN INTERNATIONAL VIA CAMPESINA (VOIE PAYSANNE) CRÉÉ EN 1993.
Comptant plus de 180 organisations membres dans 81 pays, ce mouvement paysan international lutte pour la souveraineté alimentaire en s’opposant fondamentalement à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et à la mainmise du secteur agroalimentaire par les grandes transnationales au détriment de la biodiversité et des communautés.
Entrée Libre a voulu faire connaître le Marché de solidarité régionale pour nous alimenter sur le sujet. Un sujet déjà bien entamé avant la crise actuelle et qui continuera d’évoluer.
Quelle est la petite histoire, la mission et le fonctionnement du Marché de solidarité régionale?
Il y a 15 ans, des membres actifs des AmiEs de la Terre de l’Estrie ont voulu structurer un marché de solidarité pour promouvoir les fermes de notre région. Motivés par la saine alimentation et ses modes de production naturels, les fondateurs ont proposé une alternative fiable et personnalisée auprès de citoyens et de producteurs sensibles aux enjeux de l’agroenvironnement. Précurseur de pratiques écoresponsables, le collectif rassemblait de nombreux citoyens qui ont reconnu l’importance d’une agriculture de proximité pour réduire l’empreinte carbone de nos habitudes de consommation.
La mission du Marché de solidarité consiste à faire connaître les producteurs régionaux, à faciliter l’achat en ligne par les membres adhérents et à assurer la réception efficace des produits livrés chaque semaine à Sherbrooke. Le modèle s’est répandu en Estrie et à travers le Québec parmi les initiatives de l’agriculture soutenue par la communauté, marchés publics et fermiers de famille.
Que représente pour vous la souveraineté alimentaire?
Dès l’origine du marché, l’enjeu de souveraineté alimentaire régionale motivait les membres. La sécurité alimentaire, qui consiste à assurer l’accès permanent à une saine alimentation pour tous, dépend nécessairement de l’agriculture de sa région. La crise sanitaire 2020 illustre la fragilité et l’incohérence de l’approvisionnement industriel et mondialisé.
Nourrir sainement au 21e siècle nécessite un nouveau rapport aux aliments et aux coûts réels pour y accéder. Des centaines d’organismes issus des autorités publiques ou de la société civile documentent plus que jamais les faisables d’une souveraineté alimentaire déterminante pour l’économie régionale durable et la santé publique.
La solidarité des consommateurs est essentielle pour assurer la viabilité des entreprises agroalimentaires régionales qui offrent qualité nutritive, fraîcheur, peu d’emballages et réduction des émissions carbone. Il faut discerner la valeur nutritive des aliments industriels et des produits régionaux issus d’une agriculture plus naturelle. Il est possible de savourer l’Estrie à prix abordable, si on sait choisir les aliments selon la disponibilité saisonnière et optimiser nos modes de conservation. Le Marché fournit un vaste choix de prêt-à-manger qui continuera d’évoluer avec les principes de sauvegarde du vivant.
À l’échelle du Québec, les éco-leaders proposent des plans de relance économique judicieux pour développer l’agriculture de proximité et la liberté de choix conscients en matière de commerce agroalimentaire.
Comment la crise de la COVID-19 a eu un impact sur le Marché et quels sont les principaux projets et défis qui s’annoncent pour vous?
D’abord, la générosité des adhérents bénévoles a permis de répondre à une demande qui a triplé avec le contexte de confinement. Nos pratiques de commande en ligne déjà bien rodées, une bonne logistique de livraison et la fiabilité de nos fournisseurs ont démontré l’utilité incontournable du marché.
Cet apport financier assure maintenant la permanence d’une directrice générale qui pourra consolider les opérations et le développement. Les principaux défis consistent à solidariser dans la durée, davantage de membres clients et fournisseurs pour assurer la rentabilité de nos services et positionner le marché parmi les solutions d’avant-garde. Nous tenons à garder des conditions raisonnables pour nos fournisseurs et des prix compétitifs. Nous explorons de nouveaux marchés cibles, en milieux institutionnel et communautaire. Il y a lieu de moderniser nos équipements et d’évaluer la pertinence d’offrir de nouveaux points de service.
Chacun peut en Estrie, découvrir et promouvoir la solidarité des locavores et des acteurs du marché : www.atestrie.com.