L’année 2019 a été de l’avis général une année riche en événements, pour certains, tragique et inquiétante, pour d’autres, encourageante. Dans cette catégorie se range le réveil de plusieurs peuples qu’on croyait assommés durablement par les pouvoirs en place ainsi que le réveil aux enjeux de leur temps d’une (très) jeune génération sous-estimée par ses aînées, car empruntant des canaux et une forme de communication résolument modernes.
L’Algérie a été également très présente dans les médias cette dernière année. Depuis le 22 février 2019 s’y joue une révolution qui n’en finit pas de surprendre par son caractère résilient et pacifique. D’abord déclenchée en vue de barrer la voie à un cinquième mandat d’un président Bouteflika totalement impotent, cette révolte s’est muée en une véritable révolution réclamant un changement radical du système qui a gouverné le pays depuis son indépendance en 1962.
La révolution du sourire
Dans un pays marqué par une sanglante guerre d’indépendance et une guerre civile plus récente, le bilan a de quoi impressionner : aucun mort n’est à déplorer après un an de manifestations de très grande ampleur. De nombreuses images montrant des manifestants distribuant des fleurs à des policiers venus pourtant les matraquer. De nombreuses manœuvres déjouées visant à provoquer le mouvement sur des bases régionalistes. Le Hirak (mouvement) est demeuré fermement pacifique et solidaire. Et pour cause, la menace de l’état d’urgence a été brandie de multiples fois par les autorités.
Les femmes et les jeunes d’abord
Fers de lance de cette contestation, les moins de trente ans ont été, dès les premières marches, présents en force. Ils ont surpris par un discours extrêmement articulé et une impressionnante mobilisation via les réseaux sociaux. La démonstration la plus évidente étant une marche étudiante chaque mardi dans plusieurs villes du pays qui a su faire face, avec beaucoup de clairvoyance, aux manœuvres d’intimidation des forces policières quand ce n’était pas de la violence pure et simple.
Dans une société où les inégalités entre les genres sont encore très présentes, les femmes ont été aux avant-postes dans la mobilisation, donnant un signal clair des profondes mutations qu’est en train de connaître la société algérienne. Une image très forte capturée lors de l’une des manifestations hebdomadaires du vendredi : un cordon de forces antiémeutes, matraques prêtes à servir, face à une interminable rangée de femmes résolues à faire passer leur message de façon pacifique.
Une opposition traditionnelle peinant à s’imposer
Rendus exsangues par le règne de Bouteflika (de 1999 à 2019), les partis traditionnels d’opposition ont peiné à se faire entendre. Une partie de l’opposition, habituée à négocier des avantages avec le régime, n’a pas longtemps résisté aux vieilles habitudes : une implication dans des élections factices avec pour raison inavouable des avantages personnels divers. Quant aux opposants purs et durs, le pouvoir n’a pas hésité à mettre des dizaines de leaders en prison ou à leur couper tout accès aux médias publics et privés.
Face à face : junte de généraux et peuple
Dès les premières semaines de révolte, les véritables tenants du pouvoir sont apparus au grand jour : les généraux. Le chef d’état-major (décédé en décembre d’une crise cardiaque) avait promis d’accompagner le mouvement. Pour montrer sa bonne foi, il a fait mettre plusieurs anciens dirigeants en prison après des procès expéditifs. Il s’est pourtant heurté à l’une des revendications principales du Hirak: un état civil avec une justice indépendante. Le mouvement continue de demander de façon soutenue que l’armée cesse définitivement de se mêler de politique.
Match nul à la fin de la période réglementaire
L’élection en décembre d’un nouveau président n’aura fait que prolonger la crise. Les promesses de réforme et la libération partielle de détenus d’opinion masquent mal une absence de volonté de dialogue d’un régime qui a réussi à obtenir un sursis. Les manifestations se poursuivent de façon soutenue avec comme slogan récurrent : nous n’arrêterons pas, ce sera vous ou nous… avec une crise économique et des défis mondiaux de plus en plus complexes, les algériens le savent : ils ne pourront pas continuer à se passer de réelle représentativité pour très longtemps sans sérieusement hypothéquer l’avenir de leurs enfants.
Suite dans la 2e partie: Une diaspora mobilisée