Rouge mineur, bleu pétrole, déconfiture d’orange, vert un autre ailleurs et fleur de lys multicolore.
21 octobre, 2h du matin. La nuit était partiellement étoilée et l’automne fédéral rendait son verdict. Le rouge mineur était vainqueur. Oh! Canada… Sans surprise. Suivi de près par le bleu pétrole avec agents conservateurs pour faire tenir l’or noir et blanc. Il faut croire également que le Québec en avait eu sa tartine de déconfiture d’orange, car seule une petite feuille avait résisté par ici. Il y avait aussi cette Élisabeth, qui n’était peut-être pas la reine, mais elle était parti vert. Vert espoir, mais pas de chance ce n’était pas encore la bonne saison pour les feuilles vertes.
Enfin, le plus étrange des phénomènes, la fleur de lys multicolore endémique au Québec qui avait quasiment disparu ces dernières années, elle était réapparue soudainement et avait gagné bien des arbres. Cette nouvelle multiplication serait-elle bénéfique ou simplement parasitaire?
Aujourd’hui, alors que la brume est levée, le rouge mineur se sait fragile. S’il veut survivre, il devra s’agrémenter au choix d’une pointe d’orange ou de multicolore pour résister au bleu pétrole. Mais un troisième tableau plus sombre peut se dessiner celui du pacte violet, curieux mélange des deux couleurs principales de cet automne. Nuisible à long terme à l’écosystème, mais favorable à plus courte échéance aux prédateurs.
C’est avec ce petit bilan coloré d’une élection fédérale molle, presque automatisée, où curieusement, dans notre petit for intérieur, nous connaissions déjà le résultat final, que je me demande si c’est peut-être pour cela que les élections se déroulent en automne. Saison de la beauté mélancolique et de la dépression saisonnière nous transformant en proie facile aux vendeurs de rêves intangibles.
Mais, le passé me contredit et peu importe la saison, la même comédie se joue depuis 1867 en une sorte d’alternance/relai qui n’est pas que le fait du Canada, mais bien de la grande majorité des pays occidentaux. Demander à un parti de modifier le mode de scrutin revient à lui demander de changer les règles en sa faveur, car la proportionnelle n’est qu’un autre moindre mal. Dans une campagne électorale, le mode de scrutin n’est malheureusement qu’une orientation de stratégie. Il faudrait peut-être revoir directement le schéma de gouvernance et faire tomber la pyramide. Avons-nous encore besoin d’un «leader suprême»? Nous nous moquons souvent de la Corée du Nord, mais somme-nous si différents d’eux parce que nous avons un pseudo choix? Je ne parle pas ici de liberté, je distingue juste le besoin encore présent, d’avoir comme une représentation quasi messianique au pouvoir. Nous avons chassé les représentants des dieux dans nos gouvernements, pour y faire entrer la nouvelle divinité monnaie tout en gardant la même hiérarchisation. Puis de nos jours, comme le religieux en son temps, les excès et dérives financières sont arrivés à leurs apothéoses.
Je pose donc la question, aujourd’hui devons-nous écarter le financier du politique comme nous l’avons fait avec le clergé? Croyez-moi que je ne remets ni en cause les fois religieuses ou les intérêts ou non de gagner de l’argent, cela relève de notre vie privée et de nos choix. Ce qui m’interroge, c’est l’imprégnation de certaines de ces corporations dans nos gouvernements et les impacts sur nos vies. Le pire étant l’atteinte portée d’une corporation envers une autre par le biais politique en évoquant une certaine forme de laïcité, mais je mettrais un voile là-dessus de crainte de faire peur.
Alors, sommes-nous encore si crédules ou si peu nombreux de nos jours où l’information coule à profusion pour croire à un pouvoir juste pour tous et toutes, créant à chaque tour de roue plus de différences clivantes et dangereuses à plusieurs points de vue?
Je finirais donc ce papier par une citation fan service de George R.R Martin à propos de l’explication de son «Winter is coming»: «Pendant que nous nous battons pour des questions importantes en politique et que nous nous déchirons à cause de cela en dépensant tant d’énergie, il existe une menace de changement climatique qui a vraiment le potentiel de détruire notre monde».