Les plus de trente ans pouvaient se sentir (un peu) vieux au sein du cortège qui selon leurs estimations étaient « le plus grand rassemblement à Sherbrooke depuis le Printemps Érable». Car en effet, sur les peut-être 2000 manifestants présents dans la rue à l’appel de « La Planète s’invite à l’Université : UdeS » une majorité d’entre elles et d’entre eux étaient très probablement trop jeune pour battre le pavé lors des manifestations de 2012.
Jeunesse consciente
Et c’est ce mot de « jeunesse » qui est revenu régulièrement dans les propos de Amélie Drainville et Alexia Dion, les deux porte-paroles de la section Sherbrookoise de « La Planète s’invite à l’Université » que le journal Entrée Libre a rencontré dans l’atrium du pavillon des sciences avant la manifestation.
Pour elles, « c’est parce que c’est un combat que l’on fait pour notre avenir, pour notre survie, que nous mettons ce mot de l’avant. Les recherches en psychologie de l’environnement montrent que les gens plus âgés sont moins concernés par ces problématiques car leur avenir n’est pas forcement en jeu. Nous sommes la génération qui va subir les conséquences des changements climatiques. Mettre le mot « jeune » de l’avant, c’est juste de rappeler au Monde que l’on est d’autant plus concerné et ça n’est pas pour rien que c’est nous qui sortons dans les rues ».
Et aussi de rappeler que tout est parti d’une jeune suédoise de 16 ans, Greta Thunberg, qui a lancé l’été dernier une manifestation sous le nom de « grève scolaire pour le climat » pour exiger plus d’actions de son gouvernement contre les dérèglements climatiques. Et les deux sœurs Ariane et Amélie Drainville ont emboité le pas de la jeune suédoise et des étudiants de l’Université de Montréal pour créer le groupe « La Planète s’invite à l’université : UdeS ». Elles ont également été rejointes pour cette manifestation, par l’Université Bishop, le Cégep de Sherbrooke et le Collège Champlain.
Gouvernements inactifs
Leur constat est sévère sur l’(in-)action en environnement des gouvernements provinciaux et fédéraux : « Au Québec, on va manquer nos cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) pour 2020 et parti comme on est si on ne prend pas action on va manquer nos cibles de 2030. Au niveau fédéral, c’est préoccupant de voir un Premier ministre dire « Canada is back » à la COP21, pour ensuite acheter un pipeline de 4.5 milliards dans notre face. C’est vraiment dur à prendre. C’est pour ça que l’on met autant de pression, parce que ça nous inquiète : on désire réellement limiter le réchauffement à 1.5°C. Parce qu’au-delà, les conséquences prévues sont assez graves, comme la montée des eaux et la création de réfugiés climatiques à travers le monde. Ceci peut avoir des conséquences assez graves pour nos sociétés, et ça serait important de garantir un avenir pour tous partout dans le monde. »
Revendications
Pour que le gouvernement Legault passe à l’action, les différents groupes québécois de « La Planète s’invite à l’Université » se sont mis d’accord sur trois revendications concrètes :
1° Mettre en place un programme d’éducation à l’environnement dans le cursus scolaire primaire et secondaire.
« Si l’école est censée nous former à être des bons citoyens et citoyennes, on considère que cet enseignement est aussi primordial qu’un cours de français ou qu’un cours de maths dans l’ère où on vit présentement. On parle de la suite de la vie sur Terre, ce n’est pas n’importe quoi ».
2° Adopter une loi climatique pour forcer l’atteinte des cibles de GES recommandées par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
« L’objectif est d’avoir une loi cadre qui va forcer les gouvernements à une évaluation environnementale du bilan carbone de l’ensemble des lois qu’ils adoptent ».
3° La transparence et le désinvestissement des gouvernements et des universités vis à vis des subventions et des investissements dans les énergies fossiles.
« On veut connaitre si les gouvernements ou les universités investissent dans des compagnies en lien avec les énergies fossiles, et on veut leur retrait. On sait que ça ne se fera pas du jour au lendemain, que c’est un processus long, mais on ne peut plus se permettre de subventionner des énergies qui mènent à notre perte ».
La forte mobilisation à la manifestation de vendredi montre que ces revendications portent dans le milieu scolaire et universitaire, ainsi que dans une part non négligeable de la population. La balle est dans le camp des premiers ministres Legault et Trudeau maintenant. Car pour les organisatrices de la manifestation « ce qu’il est important de comprendre c’est que l’on n’est plus au temps des petits gestes individuels, on est au temps de l’urgence climatique! On est au temps des actions concrètes des grandes mesures collectives. On est tanné de se faire culpabiliser sur nos pratiques quant à notre empreinte écologique: notre empreinte énergétique elle est collective, et on a besoin que les gouvernements agissent. On ne peut pas tout faire tout seul. Nous, nous n’avons pas l’argent pour investir dans le transport collectif. Ça, ce sont des actions que le gouvernement peut faire ».