Panem et circenses

Date : 26 février 2019
| Chroniqueur.es : Sylvain Vigier
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Lors de la campagne municipale de 2016, Steve Lussier avait sorti de son chapeau à promesses l’objectif de faire de Sherbrooke la ville la plus prospère au Québec. Il comptait réaliser ce plan en « resserrant » le rôle de deux structures paramunicipales : à Sherbrooke Innopole « d’attirer des nouvelles entreprises », et à Destination Sherbrooke de « cibler un projet d’envergure internationale ».

Deux ans après son élection, la prospérité de Sherbrooke semble plus liée aux vents économiques favorables qui soufflent sur la province qu’au fonds d’investissement de 700 000 $ qu’il avait dit avoir rassemblé, et dont nous n’avons toujours pas vu la couleur. En revanche, la possibilité pour Sherbrooke d’organiser les Jeux de la Francophonie après le désistement des villes de Moncton et Dieppe offrait au maire « l’évènement d’envergure internationale » qu’il semblait souhaiter deux ans auparavant. On comprend mal alors sa première fin de non-recevoir lorsque la possibilité de reprendre le flambeau lui a été proposée, puis le peu de force qu’il a mis dans la nouvelle candidature de Sherbrooke après que le conseil municipal lui ait (un peu) tordu le bras pour le faire. Peut-être le maire rêvait-il d’un autre type « d’événement international », plus en rapport avec sa passion pour le motocross et le bmx? Obnubilé par les « deux roues », peut-être ne voyait-il pas le potentiel d’une telle compétition qui inclut pourtant le cyclisme?

La ville joue petit bras en proposant 5 millions sur la table, une offre à la baisse par rapport aux 7,5 M $ de sa candidature initiale en 2015. Il s’agit de bel argent, et on peut en faire des projets sociaux, éducatifs, de transport collectif avec un tel montant. Mais 5 M $, ça n’est aussi « que » 1,2 % du budget total de la ville pour l’année 2019, et ce montant est bien inférieur à celui investi pour accueillir les Jeux du Canada en 2013.

Parce que l’enjeu est aussi plus grand que simplement « un projet d’envergure internationale », et ne concerne pas que Sherbrooke. D’ailleurs, un autre petit joueur dans cette histoire est le gouvernement du Québec, alors qu’il devrait se sentir le premier concerné par cet évènement. L’Organisation internationale de la Francophonie regroupe 88 États et gouvernements, présents sur les cinq continents du globe. Les Jeux de la Francophonie mettent majoritairement de l’avant des sportifs amateurs ainsi que des compétitions culturelles telles que le conte, la photographie et des marionnettes géantes. Et la raison fondatrice de rassembler ces sportifs et artistes est d’avoir la langue française en commun. On est loin de la démesure et de la corruption des Jeux Olympiques actuels, et on se rapproche bien plus de l’idéal du créateur Pierre de Coubertain : « l’important, c’est de participer ». D’ailleurs, les premiers Jeux de l’époque moderne à Athènes en 1896 comportaient des épreuves de poésie, et la langue française est la langue officielle des Jeux Olympiques depuis cette date-là, mais l’anglais international la remplace dans les faits.

Plusieurs projets d’envergure sont en route à Sherbrooke : revitalisation de la rue Wellington Sud, réaménagement du pont des Grandes-Fourches. On a ici des projets à presque 100 M $. Mais Sherbrooke et le Québec sont également des places vibrantes de la réalité et de la vitalité de la francophonie. C’est-à-dire un lieu, une terre, un presque-pays où viennent s’installer des gens que la vie pousse hors de leur lieu de naissance et qui choisissent le Québec comme terre d’asile parce qu’on y parle la langue française. Le resserrement des conditions d’immigration en France renforce le rôle du Québec comme terre d’accueil de la diaspora francophone. M. Legault suit la même voie de diminution du nombre des nouveaux arrivants au Québec, mais le critère de la pratique de la langue française reste un facteur positif. Organiser les Jeux de la Francophonie serait une marque de sa bonne foi. Messieurs Lussier et Legault, offrez-nous ces Jeux à Sherbrooke, nous apporterons notre ration de pain que nous partagerons avec tous les continents dans une même langue.

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