On peut se poser sérieusement la question lorsqu’on l’a d’abord vu en décembre 2015 défendre à Paris la position du manifeste de l’Élan global rédigé par les Artistes pour la Paix et auteurs Camil Bouchard, Dominic Champagne, Jérôme Dupras pour Les Cowboys Fringants, Karel Mayrand, Gabriel Nadeau-Dubois, Éric Pineault, Annie Roy et Laure Waridel, mais qu’ensuite en 2018, les mêmes + quarante groupes citoyens doivent le supplier de retirer son appui à l’extension du pipeline Kinder Morgan.
Et pourtant, que lui coûterait de respecter la demande très raisonnable du gouvernement de Colombie-Britannique qui n’exige même pas l’arrêt de l’acheminement actuel des 300 000 barils par jour par Kinder Morgan! À l’arrogant ultimatum du 31 mai de cette dernière, les APLP ont suggéré à Trudeau la réponse suivante: non merci, ne faites pas de dépense supplémentaire pour accroître le débit de votre pipeline, car cela viendrait en contravention:
—avec l’intérêt local de toutes les terres traversées par votre pipeline et des 16 000 hectares (sic) d’eau, gérées (re-sic!) par le port de Vancouver (Wikipedia): les pétroliers risquent l’accident fatal dans l’insécurité actuelle d’un encombrement, pourtant trois fois moindre que celui projeté, du détroit entre l’île de Vancouver et la ville. Et on ne parle même pas des préoccupations autochtones et de leurs manifestations hebdomadaires afin de protéger l’eau, l’air et la terre de déversements ou des augmentations des émissions de carbone…
—avec l’intérêt des plus jeunes générations: laissez-les profiter de la production de pétrole étalée sur davantage d’années, à moins, bien entendu, qu’elles soient amenées à réclamer son arrêt par considération pour
—l’intérêt planétaire: l’exploitation des sables bitumineux est le plus grand facteur localisé d’accroissement mondial de la pollution extrême et du réchauffement climatique; or, les cinq grands producteurs de pétrole des sables bitumineux (CNRL, Suncor Energy, Cenovus Energy, Imperial Oil et Husky Energy), selon le rapport de l’Institut albertain Parkland, n’ont pas modifié leurs plans de production d’un iota, afin de réduire leurs émissions en vue de respecter les objectifs canadiens énoncés à Paris.
Comment concilier ces objectifs avec la réaction aberrante de Trudeau, prêt à indemniser la compagnie du Texas pour le retard à mettre en œuvre son dangereux pipeline? Quand on sait comment les compagnies pétrolières achètent les juges pour réduire les peines encourues lors de désastres environnementaux, tel le naufrage de l’Exxon Valdez?
Heureusement, le chef néodémocrate Jagmeet Singh est sorti le 23 mai de son ambivalence léthargique due à l’opposition des deux gouvernements provinciaux NPD (Colombie-Britannique et Alberta) pour enfin se brancher et réclamer que les subventions de milliards de $ pour les exploitants d’énergies fossiles soient levées et que les indemnisations de Trudeau à Kinder Morgan soient plutôt converties en subventions à des énergies vertes du futur.
On aurait gagné à écouter un mois et demi plus tôt la courageuse chef du Parti Vert, Elizabeth May…
Le pipeline Kinder Morgan
Construit en 1953 sans aucune consultation publique ou environnementale, Kinder Morgan a vu sa vocation changer en 2006 alors que la compagnie a commencé à acheminer du dilbit (bitume dilué), forme particulièrement nocive de pétrole en cas de déversement accidentel. Les sables bitumineux produisent une substance ressemblant à de la boue constituée d’hydrocarbures et d’impuretés, appelée «bitume». L’Encyclopédie canadienne explique que le bitume contient plus de carbone que d’hydrogène, et beaucoup plus d’impuretés, tels azote, soufre et métaux lourds. Non seulement la technique d’extraction des sables bitumineux exige de libérer d’énormes quantités de gaz à effet de serre, mais même le produit final – lorsqu’il est brûlé – produit et libère plus de dioxyde de carbone que tous les autres combustibles fossiles.