Le moins qu’on puisse dire, c’est que la question de l’énergie s’est déversée abondamment dans l’actualité cet été. Qu’on fasse référence aux nombreux déversements d’hydrocarbures survenus, au débat sur l’exploration et l’exploitation d’énergie fossile dans la vallée du St-Laurent ou au démantèlement de la raffinerie Shell de Montréal-Est, ces exemples nous démontrent que le temps est venu de s’arrêter et de se poser des questions quant à notre consommation et production d’énergie.
Sans conteste, l’incident qui retient le plus notre attention cet été demeure l’explosion de la plate-forme pétrolière de BP qui a laissé échapper près de 780 millions de litres de pétrole dans le Golfe du Mexique. Une catastrophe que nous savons beaucoup plus grave que celle de l’Exxon Valdez qui hantait encore la mémoire collective.
Les incidents liés à l’exploitation pétrolière ne sont pas nouveaux. Chaque année, des milliers de déversements se produisent dans tous les coins de la planète. Juste ici au Québec, la Garde côtière canadienne avance qu’il se produit près de 200 incidents par année impliquant des déversements de pétrole.
Bien que catastrophique, le déversement dans le golfe du Mexique survient ironiquement au moment où le Canada s’apprête à exploiter les hydrocarbures dans les eaux du fleuve St-Laurent (un premier forage est prévu sur le territoire de Terre-Neuve pour 2011 alors que l’emplacement du puits devrait se décider cet automne). N’y voyons nous pas une leçon de plus qui devrait nous rappeler de prendre un recul et d’étudier les impacts de cette décision? De prendre une décision collective et réfléchie?
Dans le dossier de la raffinerie Shell de Montréal-Est, il semble finalement que le gouvernement n’interviendra pas pour sauver les emplois en périls. Un geste qui aurait pu paraître étrange étant donné les profits faramineux qu’engrange cette industrie.
Selon Pierre-Olivier Pineau, professeur aux HEC Montréal et spécialiste des politiques énergétiques, la fermeture de la raffinerie Shell est plutôt une bonne nouvelle, puisqu’en diminuant sa capacité de raffinage, le Québec s’aligne en concordance avec la politique de diminution des GES. Néanmoins, ce dernier n’y voit pas pour l’instant une orientation très claire, mais plutôt une exception. Les produits pétroliers continueront de sortir de l’ex-raffinerie pour alimenter le secteur du transport responsable de 40 % des émissions de GES. Par ailleurs, la reconversion de la raffinerie Shell en grand réservoir ne semble pas une si bonne nouvelle, car si elle prévoit assurer une certaine sécurité d’apprivoisement énergétique pour le Québec, elle augmentera également le trafic sur le fleuve St- Laurent, une voie navigable déjà difficile en raison de ses courants et de son manque de profondeur par endroits.
Un autre débat qui s’est tenu cet été est celui sur l’exploitation des gaz de schiste (shale gas). Le journal Le Devoir a fait un bel écho de ce dossier dans sa section « libre opinion ». Tour à tour, des acteurs du secteur énergétique du Québec se sont affrontés et ont présenté leur vision par rapport à cet enjeu. Certains, plus près du gouvernement, prônaient la nationalisation de ces ressources ou sa privatisation afin d’augmenter les revenus de l’État, tandis que d’autres réclamaient un moratoire, en attendant d’y voir plus clair sur les coûts environnementaux encore méconnus. Évidemment, pas de gagnant au terme de cette bataille. Vous y voyez plutôt les intérêts divergents d’une société de plus en plus sclérosée en raison d’un manque de dialogue.
Si la plupart des camps s’entendent pour dire que le Québec doit accroître son indépendance énergétique, la voie pour y parvenir est différente pour chacun d’eux. D’un côté, certains, le Ministère des Ressources naturelles et de la faune en tête, font des pressions pour exploiter le pétrole et le gaz naturel du fleuve St-Laurent. Pour la Ministre Normandeau, il ne semble faire aucun doute que notre indépendance énergétique passe par cette voie. Du moins, c’est ce qu’elle affirmait lors de la première assemblée de l’Association pétrolière et gazière du Québec en octobre dernier en compagnie d’André Caillé.
D’autres, les groupes environnementaux en tête, souhaitent plutôt que notre indépendance au pétrole passe par la production d’énergies non fossiles comme l’hydroélectricité, la géothermie, l’éolien, ou la biomasse, sans oublier l’efficacité énergétique, cette énergie qu’on n’utilise tout simplement pas…
Il est probablement incohérent pour beaucoup de gens de voir un gouvernement investir à la fois dans la production d’énergies fossiles et non fossiles. Investir dans tous les créneaux – conversion vers l’énergie électrique, solaire ou éolienne, programmes d’efficacité énergétique, exploitation gazière, recherche et développement de nouvelles énergies, réaménagements routiers, etc. – coûtera trop cher au gouvernement, qui risque finalement de rater toutes ses cibles et de ne contenter personne. Dans cette optique, il est grand temps qu’une grande réflexion ait lieu sur ces enjeux afin que les solutions qui auront l’aval collectif soient mises de l’avant.
Les auteurs sont, respectivement, chargé de projet et directrice générale au Conseil régional de l’Environnement de l’Estrie