C’est le film Patients, de Grand Corps Malade et de Mehdi Idir qui ouvrait le quatrième Festival du Cinéma du Monde de Sherbrooke. Le film est inspiré du roman de GCM du même nom, qui lui s’inspire également de son année de convalescence dans un centre de rééducation pour handicapés lourds.
Il serait faux de croire que Patients est l’histoire de GCM. En premier lieu, tout le récit est inspiré de son histoire, mais secondement, comme le titre le dit bien au pluriel, ce sont les histoires de plusieurs autres patients qui ont côtoyé GCM. Nous retrouvons donc le personnage de Benjamin, promis à un brillant avenir comme joueur de basket qui, suite à un accident sportif, se retrouve dans l’immobilité totale et doit tout réapprendre de sa propre mobilité. Au centre de rééducation, il fera la rencontre de plusieurs autres handicapés qui deviendront peu à peu sa nouvelle famille.
Dès les premières images du film, nous nous retrouvons en vue à la première personne, dans le corps de Benjamin, complètement emprisonné avec lui de son propre corps. Petit à petit, la caméra nous laisse entrevoir le corps de Benjamin, mais tout en demeurant dans sa chambre du centre. Ce n’est qu’au moment où Benjamin reçoit enfin son privilège de pouvoir s’asseoir dans un fauteuil roulant électrique et quitter la chambre que la caméra nous invite à quitter enfin la chambre. Ce long processus cinématographique est brillant et entraîne le spectateur dans les étapes de réhabilitation du personnage principal. La réalisation demeure tout de même assez classique dans la forme, hormis quelques beaux moments d’hyper ralentis ou bien d’hyper accéléré, pour montrer le temps qui passe dans le centre et l’évolution de Benjamin. Ces moments sont appuyés par des chansons rap des années 90, car il faut mentionner que le film se passe à cette époque. Les quelques séquences musicales du film sont selon moi les plus réussies au niveau de la réalisation, et ce n’est pas un hasard puisque Mehdi Idir est le réalisateur des clips de GCM. En dehors des chansons du film, il y a aussi les nombreuses infopubs ou émissions de l’époque, qui sont diffusées sur la télévision de la chambre de Benjamin. D’ailleurs, ce qui nous frappe dans les images et les émissions choisies, c’est le ridicule qui les accompagne, face à la situation de Benjamin. La pub amaigrissante, l’autre qui présente un exerciseur pour tonifier le corps, l’autre qui nous montre des outils pour nous faciliter la vie en cuisinant, alors que Benjamin est cloué à son lit, incapable de bouger.
Il y a une authenticité qui est présente dans cette œuvre et les acteurs n’y sont pas pour rien. Pablo Pauly, dans le rôle principal, est tout à fait attachant. Il ne manque pas d’humour et c’est un des aspects qui fait que cette histoire, malgré le sujet lourd, s’écoute en douceur grâce à tous ces moments teintés d’humour. Le personnage de Benjamin ne s’apitoie pas sur son sort et vient mettre de la joie dans ce centre parfois relou, comme le diraient nos cousins français. Comme je le mentionnais plus haut, Patients n’est pas que sur l’histoire de Benjamin, les autres acteurs présents sont tout aussi attachants. Mentionnons entre autres, le personnage de Farrid, campé par Soufiane Guerrab, Toussaint interprété par Moussa Mansaly ou encore Samia, jouée par Nailia Harzoune. Si l’authenticité est aussi présente, c’est que les acteurs ont vécu une immersion dans le centre de rééducation avant le tournage pour la préparation de leur rôle respectif et ils ont eu le même kiné que celui que GCM avait eu à l’époque. Il est à noter aussi que tous les figurants du film sont de véritables handicapés résidants de ce même centre.
Outre l’humour et l’authenticité présente dans ce film, il y a également une impressionnante lucidité. Les dialogues et les images nous frappent dans leur lucidité marquante. Il y a cette scène entre autres où un des personnages handicapés mentionne qu’il y a un paquet d’objets adaptés, mais qu’il n’y a pas pour eux d’espoir adapté. D’ailleurs, l’espoir adapté est le titre de la chanson thème du film, interprétée par GCM. C’est aussi la seule chanson qui est présente dans le film de l’artiste slameur. Il est vrai qu’il a voulu s’effacer le plus possible de ce film, mais j’aurais pris d’autres pièces du célèbre poète.
Le film Patients est un film rempli d’espoir, touchant à plusieurs égards, qui nous rappelle la chance que nous avons, les non-handicapés, le pouvoir de se mouvoir avec ce véhicule qu’est notre corps, sans même y réfléchir, sans même souvent l’apprécier. Ce film nous ramène sur terre, dans un quotidien parfois occupé par des trucs pas si graves que cela au final.