Vacances rien d’inclus (Exercice d’indépendance, épisode 4)

Date : 23 juillet 2015
| Chroniqueur.es : Evelyne Papillon
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Comme chaque année, la période de vacances arrivait, sauf que cette fois, je la passais sans partenaire. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y aurait pas de chicane à propos de la destination ou des activités. Pas de camping dans une tente pourrie fait à contrecœur. Et personne pour dépenser trop, créant ainsi une tension contraire à la détente recherchée en vacances. Je pouvais disposer de mon temps comme je le désirais.

Je me sentais tellement libre que ça frôlait l’angoisse. Il me fallait prendre le contrôle de ma vie et m’organiser. Je pourrais passer une semaine sans aucune planification ou alors la remplir à outrance en n’épuisant que moi-même. Mais je continuais à croire qu’avec quelqu’un dans ma vie, cet équilibre se serait créé plus aisément. J’imaginais mon prince charmant m’inviter à partir avec lui aux quatre coins de la belle province à bord de sa Westfalia couverte de signes de paix et de fleurs. Puis la Westfalia perdrait des morceaux en route, le moteur surchaufferait et le ton monterait, créant des altercations dignes du film Québec-Montréal.

Il n’y a pas de presse pour un prince. Il s’agit surtout de défaire de vieilles habitudes. Je me petit-débrouille. Mieux que ça, j’aime ma vie en solo la plupart du temps. Et puis, qu’est-ce que des vacances réussies? Aller le plus souvent profiter de la nature. Prendre du temps pour les projets de lecture mis de côté. Cuisiner des repas plus élaborés ou bien s’offrir souvent des restaurants. Essayer quelque chose de nouveau: goûter à une bière de microbrasserie, visiter un musée, découvrir un village, peu importe. Aller au cinéma encore et encore, une façon de voyager léger et au frais. Je crois que c’est un peu tout ça, passer du bon temps.

Je crains que ce soit utile de mettre le réveille-matin, car j’ai une notion du temps assez floue et c’est le meilleur moyen de profiter de mes journées. Je me fais un agenda minimal, écrit au plomb pour pouvoir le modifier au gré de mes envies, mais qui m’indique des possibilités de sortie, les disponibilités de mes amis, etc. Le but n’est pas de me contraindre à suivre un programme, mais d’éviter les pannes d’idées et l’envie de dormir jusqu’à 13h.

Tout est possible. Par contre, pour la sociabilité, on repassera, car la moitié de mes amis est en vacances et l’autre se débat entre travail à temps plein et boîtes de déménagement à défaire. Note à moi-même, prendre mes vacances en novembre la prochaine fois.

Mes amis étant occupés, j’entreprends d’aller seule voir les Barr Brothers sur la rue Wellington. C’est gratuit et je n’en ai entendu parler qu’en bien. Je regarde la foule et n’y reconnais personne, c’est dire qu’il y a du monde. Je me rends compte que j’ai une sacrée bulle au fil des frôlements des passants, quand ils ne me rentrent pas carrément dedans. Des gens placotent trop fort derrière moi et leurs sujets n’ont rien à voir avec le spectacle. Mon intolérance monte, monte et je finis par partir avant la fin du concert. Peut-être que je suis rendue plus bourgeoise que je ne le pensais: je préfère payer pour des spectacles à l’intérieur et avoir ma petite table tranquille.

Le lendemain, je m’installe à la plage Blanchard. Le sable me manquait. Un chien joue dans l’eau. Il rapporte le bâton qu’on lui lance à tout coup. Il finit par sortir de l’eau et se secoue juste à côté de moi. Je le trouvais mignon, mais là… C’est quand même rafraîchissant. Dommage que j’aie acheté un casseau de fraises et qu’il ait été aspergé aussi. Tant pis, pas de gaspillage, je les mange quand même. Je vais me tremper. L’eau est froide, il y a des algues. Pas des bleues, mais ça chatouille et… ça écœure. Encore la bourgeoise qui ressurgit. C’est pourtant plus beau qu’une piscine chlorée. À peine ressortie, je reçois un ballon de volley-ball en pleine tronche. «Oh, excuse-nous! Es-tu correcte?», me demande une joueuse aussi bronzée qu’inquiète. Devant mon apathie, elle ajoute: «Il n’y a pas de risques à prendre. Je t’amène à l’urgence.»

Le médecin a dit que j’avais une commotion cérébrale. Pour les prochains jours, je dois éviter les films sur grand écran, la télévision et les ordinateurs, les endroits bruyants, l’alcool et les drogues. Cette année, mes vacances, ce sera de ne rien faire.

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