La torture de l’épuisement professionnel

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Gabrielle Gagnon
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Depuis la fin du IXIe siècle, le 1er mai est consacré annuellement à la journée internationale des travailleurs, dans de nombreux pays. A cette occasion, les travailleurs du monde entier descendent dans les rues pour dénoncer les injustices et réclamer de meilleures conditions de travail. Horaires de plus en plus surchargés, manque de reconnaissance, sentiment d’iniquité entre les salariés… Nombreuses sont les sources d’insatisfaction pouvant mener à la détresse psychologique des travailleurs. Selon Statistique Canada, nous serions quelque 3,4 millions à souffrir actuellement d’épuisement professionnel,et 25% à subir un stress professionnel intense au quotidien.

Le syndrome du burnout serait d’ailleurs en voie de devenir « une véritable épidémie dans de nombreux pays », si l’on en croit deux professeurs de psychologie de l’Université de Berkeley et de l’Acadie. Dans un ouvrage paru en février dernier, intitulé Burnout, ces derniers tiennent pour responsables les changements fondamentaux qui ont eu cours dans l’économie du monde actuel et dans la nature et l’organisation du travail. Auteur du récent Travail, les raisons de la colère, le sociologue Vincent De Gaulejac abonde dans le même sens, arguant que la « détresse grandissante des travailleurs nous dit comment les modèles de gestion en vogue, les valeurs néolibérales et la financiarisation de l’économie sont en voie de transformer le travail en torture ». Une affirmation éloquente lorsque l’on constate, en remontant à l’origine étymologique même du vocable travail, issu du latin tripalium, qu’il désigne un instrument de… torture.

Enseignants, personnels infirmier et administratif, employés d’usine… nul n’est à l’abri des symptômes liés à l’épuisement professionnel, qui sévit dans toutes les sphères de l’activité économique. Paradoxalement, nous n’avons jamais consacré aussi peu d’années de notre vie au travail, et celui-ci n’a jamais été aussi peu pénible physiquement que maintenant, comme l’indique De Gaulejac, dans son ouvrage. Toutefois, il est devenu une préoccupation véritable, voire constante : « Chaque fois, le travailleur est amené à confondre son propre intérêt avec celui de l’entreprise. Son labeur et ses succès professionnels sont vus comme autant de chances de réalisation et de dépassement de soi [et, par conséquent, d’échecs et d’abattements…] ».

Si plusieurs spécialistes s’entendent pour dire que les journées surchargées, l’absence de reconnaissance et de mise en place de structures efficientes de la part des gestionnaires, ainsi que le manque de ressources sont les principaux responsables de ce syndrome, il semble que le malaise soit plus profond encore.

Comme l’on consacre généralement une part importante de sa vie au travail, il est capital d’y trouver un sens et de s’y sentir libre de s’accomplir et de se développer professionnellement. Les gestionnaires exercent sans conteste un rôle décisif dans le bien-être de leurs employés, en ce qu’ils doivent s’assurer de bien doser leur niveau d’exigence en regard de l’autonomie qu’ils leur accordent. En effet, un individu qui ne dispose pas de la latitude suffisante pour prendre des décisions et pour qui les rôles et responsabilités de chacun ne sont pas clairs est plus enclin à dériver vers la détresse psychologique.

On estime que l’épuisement professionnel est causé à 60 % par l’entreprise et à 40 % par l’individu. Ce faisant, il est du devoir des gestionnaires d’amener leurs employés à se sentir compétents et en contrôle de leur environnement de travail, en encourageant leur participation dans la prise de certaines décisions et en valorisant leurs actions au quotidien.

Par ailleurs, à l’heure des téléphones intelligents et autres appareils intrusifs qui nous permettent de travailler partout, en tout temps, et de toujours en faire plus, il importe, plus que jamais, de définir nous-mêmes nos propres limites et de veiller à préserver notre équilibre psychologique… puisque nous devrons sans doute travailler encore longtemps !

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