Au 31 août 2011, si vous n’êtes pas déjà client d’un service de câblodistribution ou d’un réseau satellite, un changement technologique pourrait vous obliger à allonger la monnaie afin de conserver votre accès aux réseaux de télévision locaux. Si vous êtes en situation de précarité, vous pourriez tout simplement perdre l’accès aux ondes. À cette date, les stations de télévision locales, dans plusieurs régions du Canada, devront cesser la diffusion analogique et passer aux fréquences numériques. C’est-à-dire que les antennes, ou « oreilles de lapin », offrant jusqu’alors un accès libre aux chaînes gratuites et/ou financées par nos taxes et impôts, ne seront plus suffisantes.
Cette décision du CRTC n’affectera en rien les citoyens déjà abonnés à un service de câblodistribution ou de télévision par satellite. Pour les citoyens ayant accès aux stations locales gratuites grâce à une antenne, il faudra faire l’acquisition d’un décodeur, d’un téléviseur équipé d’un syntoniseur numérique ou d’une antenne satellite. S’il n’est pas nécessaire de souscrire à un service télévisuel, l’achat d’équipement peut représenter des coûts importants allant de 70 $ à plus de 300 $ dans certaines régions éloignées, où l’installation d’antennes sera essentielle.
L’impératif de libérer le spectre analogique est motivé, explique-t-on sur le site Internet du CRTC, par la nécessité de faire de la place sur le spectre, notamment pour les services d’urgence. À l’Union des consommateurs, où Anthony Hémond suit le dossier depuis son commencement, on offre une tout autre analyse : « On effectue le changement parce que la technologie est disponible, elle permettra une meilleure qualité d’image et de son. Par contre, il ne faut pas oublier que le spectre est utilisé pour les services de télécommunications. Les fréquences libérées pourront être vendues aux enchères par Industrie Canada. On est actuellement en consultation à ce sujet. Les modalités de ces ventes sont encore à déterminer, mais plusieurs compagnies de télécommunications ont déjà signalé leur intérêt et préparent leurs chéquiers. » Il s’agit donc de liquider les fréquences pour le secteur privé, possiblement pour les investisseurs privés qui risquent d’abonder, compte tenu de la dérèglementation actuelle du marché des télécommunications.
Un accès réduit
Selon le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), la majorité des citoyens ne sera pas touchée. Ce sont les personnes à faible revenu ou assistées sociales qui le seront; avec moins de 600$ par mois, elles n’auront pas les moyens de faire l’achat du matériel nécessaire. Et perdre l’accès à la télévision peut représenter beaucoup pour un citoyen n’ayant pas les moyens de payer pour du divertissement ou un accès à la culture et à l’information. Selon Amélie Châteauneuf, du FCPASQ, « pour quelqu’un qui n’est pas en mesure de payer un journal, Internet ou le transport jusqu’à la bibliothèque, la télévision représente le seul accès à une forme de divertissement et le seul lien avec la vie publique, dont politique. Aussi, dans certaines régions, les stations locales relaient les informations relatives au marché de l’emploi, des informations qui peuvent s’avérer vitales pour réintégrer un emploi. Ceux qui sont déjà exclus se trouveront encore une fois ignorés et brimés de leurs droits fondamentaux. »
Malgré la volonté de l’Union des consommateurs et du FCPASQ, le CRTC a écarté du revers de la main toute idée de subvention pour faciliter la transition chez les populations les plus démunies.
La société publique Radio-Canada fait aussi partie des chaînes qui devront transformer leur signal, mais, selon les agents de Patrimoine Canada : « Radio-Canada est une société indépendante responsable de la gestion de ses opérations. Dans son plus récent plan stratégique, Radio-Canada s’est engagée à trouver de nouveaux moyens pour renforcer sa présence dans les régions. »
À l’Union des consommateurs, on s’inquiète surtout de la transition au 31 août. Plusieurs scénarios chaotiques sont envisagés : pénurie de matériel, escroqueries de la part des marchands, ignorance des citoyens… Déjà, le magazine Protégez-Vous émet des avis pour inviter les consommateurs à se méfier de certaines compagnies qui tentent de vendre des produits non nécessaires.
L’information, jusqu’à présent, s’est faite discrète. Radio-Canada commencera à présenter des messages d’intérêt public seulement en mai. Les médias reprendront sans doute la nouvelle au lendemain de la transition, au moment où bien des citoyens ne comprendront pas pourquoi leur télévision ne marche plus.