Les mois passent et les conséquences des mesures d’austérité du gouvernement Couillard se précisent. Les employés du cégep de Sherbrooke, dont je suis, en avaient déjà eu un avant-goût amer au début du mois de juin, lorsque la direction nous avait convoqués afin de nous annoncer les coupures de postes et de services qu’elle avait prévues en prévision du budget Leitao.
C’est donc au tour du Québec de goûter à cette triste médecine habillée sous l’euphémisme de «rigueur budgétaire»: la réduction du déficit de l’État par la contraction des dépenses publiques. Pour mieux comprendre le phénomène et pourquoi il faut s’en méfier, voici en vrac deux suggestions: une lecture et une sortie…
Un livre essentiel sur le sujet…
Mark Blyth, professeur d’économie politique internationale à la Brown University, a écrit l’an dernier un ouvrage essentiel sur le sujet, intitulé Austerity, The History of a Dangerous Idea.
Dans une première partie, le livre fait la généalogie de la crise financière de 2007-2008, qui a poussé les États à s’endetter pour refinancer les banques. Ce refinancement, qui engloutit entre 3000 et 13000 milliards de dollars de fonds publics, est la raison pour laquelle les États décidèrent par la suite de réduire de manière draconienne leurs dépenses pour équilibrer leurs comptes.
Alors, pourquoi l’austérité est-elle une idée dangereuse? Essentiellement pour trois raisons, affirme Blyth. D’abord, les mesures d’austérité ne fonctionnent pas, comme le montre le cas des pays européens qui les ont appliquées à la lettre au sortir de la crise financière. Par exemple, le ratio dette-PIB du Portugal a crû de 62% à 108% de 2006 à 2012. Celui de l’Irlande a crû de 24,8% à 106,4% de 2007 à 2012. Celui de la Grèce, de 106% à 170% de 2007 à 2012.
La deuxième raison est que l’austérité repose sur certains vices logiques. Les économistes qui en font la promotion commettent ce qu’on appelle le «paralogisme de composition», qui consiste à affirmer que ce qui est bon pour une partie est aussi bon pour le tout. Or, quand tout le monde réduit ses dépenses en même temps, on observe un ralentissement de la consommation et de l’investissement, ce qui tend à réduire les recettes fiscales, à faire croître la dette et à faire stagner l’économie. On remarquera aussi que la rhétorique de l’État comme père-de-famille-responsable-qui-en-appelle-à-se-serrer-la-ceinture, sous une apparence de bon sens, repose en fait sur une analogie boiteuse: ce discours occulte le fait que l’État, contrairement à un ménage, peut stimuler l’économie pour accroître ses dépenses.
Enfin, last but not least, l’austérité est inéquitable socialement, car elle consiste en fin de compte à demander aux plus pauvres de payer pour les erreurs des riches. La réduction des dépenses étatiques affecte en effet davantage les moins nantis, soit ceux et celles qui dépendent davantage des biens et services publics.
… et une conférence
Dans le même ordre d’idées, se tiendra, le 15 octobre à 19h à l’Université de Sherbrooke (auditorium de la Faculté des Sciences, D2-1060), une conférence intitulée Penser l’austérité.
Dans un premier temps, Alain Deneault, professeur et chercheur au Réseau Justice fiscale, viendra nous parler de son livre Paradis fiscaux: la filière canadienne. Il montrera les liens entre la légalisation des fuites fiscales, les budgets d’austérité et les impacts sur la population, qui se mesurent par une responsabilité plus grande des particuliers dans le financement de l’État, par la perte de services sociaux et par l’augmentation de la dette publique. Dans un second temps, Simon Tremblay-Pepin, doctorant en sciences politiques et chercheur à l’IRIS, exposera les mesures par lesquelles le gouvernement du Québec a adhéré aux politiques d’austérité en vogue ailleurs dans le monde et expliquera les conséquences socio-économiques de ce choix.
La conférence sera suivie d’une discussion avec l’auditoire. Le prix d’entrée est de 2$ pour les étudiants et de 4$ pour le grand public. L’événement est organisé par Québec solidaire Sherbrooke.