Dans le plus pur style orwellien, les Conservateurs ont trouvé un nouveau terme pour nommer ce que tout le monde appelait jusqu’ici une « entreprise », une « compagnie », une « PME » ou même une « multinationale ». Nous sommes maintenant priés de référer à ces honorables citoyens corporatifs comme à des « créateurs d’emplois ».
Les Conservateurs ont l’habitude de jouer sur les mots. En 2008, Dimitri Soudas, l’homme de bras de Harper, jurait qu’il n’avait pas rencontré les membres du conseil d’administration du Port de Montréal pour leur proposer un candidat. Finalement, non, non, il n’a pas menti, puisqu’il ne les a pas rencontrés que pour cela.
« Anyway », revenons à ces créateurs d’emplois sans qui les simples mortels que nous sommes ne seraient que des grands sans talent. Ils méritent bien une autre baisse d’impôt, n’est-ce pas? Car, c’est bien connu, dès qu’une entreprise a un peu de lousse, elle se garroche pour créer de l’emploi et ne va pas simplement banquer ça aux Bermudes, redistribuer l’argent aux actionnaires ou se payer un plus gros pick-up.
Il est par ailleurs clair que le niveau d’imposition des entreprises au Canada ne résulte pas en un accroissement direct des investissements étrangers. Par ailleurs, comme nous le soumet Elvis Gratton, si le fait de moins imposer les entreprises était payant, les Américains y auraient pensé, non?
Selon l’OCDE, avant les réductions d’impôt annoncées dans le dernier budget Flaherty, le Canada affiche un taux d’imposition moyen des sociétés (en incluant les impôts provinciaux) de quelque 30 %. Aux États-Unis, on parle plutôt de 39 %.
Si les baisses d’impôt sont dans une certaine mesure inutiles, pourquoi persister? Eh bien, en admettant que, comme le prétendent certains observateurs, les Conservateurs aient un plan clair de la « révolution » qu’ils veulent installer au Canada, il est bien possible que Harper soit en train de nous rejouer une tactique conservatrice américaine classique : affamer la bête.
La technique est simple : couper les revenus de l’État afin d’obtenir un prétexte pour en réduire les dépenses. Harper ne s’en cache d’ailleurs qu’à moitié. Il prévoit, s’il est réélu, couper quelque 4 milliards par année pendant les trois prochaines années.
Mais personne ne sait où il va couper. Et selon plusieurs fonctionnaires du Ministère des Finances à Ottawa (interviewés par « Le Devoir »), il ne reste plus beaucoup d’endroits où faire de véritables économies. La bête a déjà la peau sur les os.