Le dernier épisode de débats houleux sur le projet de réduction du nombre d’élus a révélé plusieurs lacunes dans la manière dont on exerce la démocratie participative à Sherbrooke. Il devient clair qu’une bonification de la politique de consultation citoyenne de la Ville de Sherbrooke est nécessaire, de même que la création d’un organe autonome pour administrer cette politique. Voici pourquoi.
Les dernières consultations ont été bâclées
Rappelons qu’entre l’annonce du projet et les consultations, il ne s’est écoulé que 15 jours. Ce court délai ne donnait aux intervenants qu’une petite semaine et demie pour prendre connaissance du projet et pour déposer un mémoire. Ce délai minimal rendait évidemment difficile la prise de position par les organismes de Sherbrooke. Les dépliants d’information, produits aux frais des contribuables et envoyés à toutes les portes, n’indiquaient même pas les dates des consultations.
Quant à la consultation elle-même, elle n’était présidée par personne, mais était plutôt « animée » par un quidam qui ne signera jamais un rapport de consultation, comme c’est prévu à la politique : seul un procès-verbal très sommaire sera produit. Lors de la consultation, la formule retenue ressemblait à une audience auprès du maire qui tentait sans cesse de tourner à son avantage n’importe quel commentaire du public. Le processus de consultation servait essentiellement de tribune au maire pour défendre son projet et pour tenter d’infantiliser les participants.
Il faut une certaine automaticité
Rappelons que la dernière consultation a été arrachée au maire et à son parti qui, clairement, n’en voulait pas sous le prétexte que la campagne électorale tenait lieu, ni plus ni moins, de consultation. Pourtant, bien que le maire ait obtenu une très forte majorité, son parti n’a obtenu que quelque 39 % des voix. Qu’à cela ne tienne, le maire avait l’intention de présenter sa réforme à une séance du conseil et de la faire voter à la suivante. Avec la montée à prévoir du parti du maire et l’imposition de plus en plus rigide d’une ligne de parti, un mécanisme doit être mis en place pour s’assurer qu’une dérive ne se produise. Le meilleur moyen de s’assurer que les consultations ne soient pas esquivées à l’avenir, c’est de confier le mandat à un organe autonome qui ne relèverait pas du service des communications.
Il faut créer un organe autonome de consultations publiques
Bernard Sévigny avait promis en 2009 de créer un bureau de consultation. C’était après le rejet du plan d’urbanisme lors d’un référendum. Sévigny critiquait alors l’administration Perrault sans relâche pour son manque d’écoute. Cette promesse non tenue est d’autant incompréhensible que la politique de consultation elle-même prévoit la création d’un « secrétariat » à la consultation. Pourtant, rien n’a été fait depuis 2009. Sévigny a affirmé dernièrement que cela aurait « couté trop cher ». Pourtant, à Gatineau existe une « unité de coordination » des consultations publiques qui emploie une seule personne ; cette ville est un modèle au Québec en matière de consultations publiques. À Longueuil, c’est un bureau de consultation et d’information qui emploie deux personnes à temps plein.
Un tel organe autonome permettrait d’éviter les dérives que l’on a connues. En situant le bureau de consultation dans le secteur de la planification stratégique, les personnes responsables pourraient être à même de voir venir les projets et de préparer le terrain avec l’administration pour des consultations de qualité.
Il faut établir une culture de la consultation publique
Le maire et le service des communications ne sont pas les seuls coupables des lacunes en matière de consultation publiques à Sherbrooke. Les conseillers municipaux ont aussi fait preuve, à l’exception notable de Chantal L’Espérance et de Nicole Bergeron, d’une pauvreté d’esprit qui les a fait confondre un projet racoleur et populiste avec la volonté de la population. Peu importe que 12 mémoires aient été déposés et que 11 d’entre eux critiquaient sévèrement, mais d’une manière très articulée, le projet, les conseillers ont préféré s’en remettre à la majorité, aussi silencieuse et mal informée soit-elle. La réaction la plus troublante est venue de Julien Lachance, qui a rejeté tout le processus de consultation en disant que, dans ce genre d’exercice, ce sont les opposants qui s’expriment, comme si cela invalidait l’opposition elle-même.
Bref, pour toutes ces raisons, le conseil municipal se doit de procéder à une révision sérieuse de sa politique de consultation publique et de la manière dont elle est appliquée.