« Un climat de suspicion et de morosité règne en ce moment dans le milieu municipal. » C’est le constat du président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Rimouski, Éric Forest, en tournée dans les régions de la province. Selon M. Forest, il y a en ce moment trois enjeux majeurs pour les municipalités et il convie le Québec à un sommet, le 19 mars prochain, pour en discuter.
L’augmentation de la TVQ est le premier point à l’ordre du jour. « L’entente de partenariat fiscal et financier prévoit le remboursement aux municipalités des montants de TVQ payés sur leurs achats de biens et services. Ce remboursement doit atteindre un pourcentage de 100 % en 2014. Cependant, lors du dépôt de son budget 2010- 2011, le gouvernement du Québec a annoncé l’augmentation de la TVQ d’un point de pourcentage en 2011 et d’un autre point en 2012, pour atteindre un taux de 9,5 % », explique-t-il.
Bref, les municipalités auront à payer les deux pour cent d’augmentation de leurs propres poches, ce qui représente, selon M. Forest, une perte de 19 millions de dollars pour la région de l’Estrie, et un trou d’un milliard de dollars dans les coffres de l’ensemble des municipalités de la province cette année.
Le deuxième point dont souhaite discuter M. Forest a trait aux pertes financières des municipalités liées à la compensation des coûts de la collecte sélective municipale. « L’entente de partenariat fiscal et financier prévoyait une compensation de 100% pour la collecte sélective municipale en 2010. Toutefois, le projet de loi 88 concernant la gestion des matières résiduelles, déposé à l’Assemblée nationale en mars 2010, ne répond pas à cet engagement. » Selon une analyse financière détaillée de l’UMQ, seulement 36 % des sommes ont été remboursées par le gouvernement provincial l’an dernier.
Le troisième sujet de discussion du sommet du 19 mars est peut-être celui qui rejoindra le plus les citoyens. Il s’agit de la loi qui régit les compagnies minières et les compagnies d’exploration qui, selon M. Forest, donne la primauté à ces entreprises et enlève aux municipalités la liberté d’aménager leur propre territoire face aux compagnies minières.
Par exemple, en Estrie, la municipalité d’East Angus n’a appris qu’une compagnie minière s’intéressait à son sous-sol qu’après avoir reçu une carte géographique de son territoire.
Le directeur général de la Ville, Normand Graillon, se dit perturbé par le fait que, même si la municipalité voulait empêcher ce projet, elle ne le pourrait pas. De plus, ce qui inquiète certains, c’est qu’une société peut avancer dans ses démarches sans s’identifier, ni même préciser ce qu’elle cherche. « On aimerait au moins savoir ce qui se passe sur notre propre territoire », affirme M. Graillon.
Une société a également déposé une demande au Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) pour obtenir des droits miniers dans le canton de Lingwick. Comme à East Angus, la municipalité a indiqué les endroits qu’elle souhaitait exclure de la zone d’exploration minière, dont tous les terrains municipaux, soit le centre communautaire, la caserne et le garage municipal. Elle a aussi demandé au gouvernement de restreindre l’accès aux cimetières, aux églises ainsi qu’à quelques édifices patrimoniaux qui sont situés sur le territoire.
Nicolas Bégin, porte-parole du MRNF, explique « qu’une municipalité n’a pas le pouvoir de refuser une demande de titre minier et quand une compagnie fait la demande pour un titre ou un claim auprès du ministère, son identité reste confidentielle jusqu’à ce que le titre soit émis. »
Pour ce qui est des terres privées, un titre minier donne l’exclusivité d’exploration à une société, mais ne donne pas accès au territoire pour l’exploitation. Aussi, M. Bégin explique-t-il que c’est seulement après plusieurs années de recherche, des études de faisabilité, des forages et des études de rentabilité que le gouvernement accorderait un bail minier qui donnerait le droit d’exploiter dans ces endroits.
Pour les résidents de Saint-Camille, ces promesses de délai avant qu’un bail soit émis ne sont pas réconfortantes. Au mois de décembre dernier, ils ont appris que la société Bowmore Exploration, de Montréal, procédait à des analyses de sol et à de l’exploration aérienne sur leur territoire depuis deux ans déjà. Selon le président de Bowmore Exploration, Paul Dumas, la société veut maintenant passer à la prochaine phase. « Nous voulons extraire des carottes pour voir s’il y a des minéraux, et en quelle quantité », affirme-t-il.
Cependant, lors d’une première rencontre avec le maire de Saint-Camille et le comité de citoyens Mine de Rien, M. Dumas a promis de ne pas explorer les terres dont les propriétaires ne sont pas d’accord. « Si on trouve qu’une majorité de citoyens ne sont pas d’accord avec un tel projet, nous allons amener nos investissements ailleurs. Nous avons d’autres projets dans la région. » Mais pour l’instant, l’exploration à Saint-Camille va aller de l’avant, car, selon M. Dumas, certains citoyens ont permis à Bowmore Exploration d’accéder à leur terrain en échange d’une compensation financière.
Joël Nadeau, porte-parole du comité Mine de Rien, se dit heureux d’avoir eu une première rencontre avec M. Dumas, mais il reste sceptique face aux promesses du président de Bowmore. « Ça reste que M. Dumas a carte blanche pour explorer comme il le veut ici », déplore-t-il.
Maire de Saint-Camille, Benoît Bourrassa est aussi très inquiet. « Depuis vingt ans, la municipalité travaille pour attirer des nouvelles familles, et on a eu du succès justement parce que les gens, ici, ont une vision de développement durable, ce qui se voit avec plus d’une dizaine de projets de coopératives et des entreprises familiales, entre autres. J’ai peur qu’un projet minier puisse faire fuir les gens », dit-il.
Évidemment, l’exploration ne signifie pas qu’un projet minier verra le jour. Pour messieurs Dumas et Bégin, la possibilité qu’on exploite le minerai à Saint-Camille est minime et se concrétiserait beaucoup trop loin dans l’avenir pour qu’on en parle en ce moment.
Mais certains citoyens de Saint-Camille ont en tête l’expérience de Malartic, où 200 foyers ont été déplacés pour créer une mine d’or à ciel ouvert, mise en activité l’an dernier. M. Ken Massé était parmi les résidents qui devaient partir. Quand il a refusé, sa plainte s’est rendue en Cour Supérieure du Québec, où un juge a rendu une décision en faveur de la mine. Alors qu’il refusait de sortir de chez lui malgré cette décision, des policiers l’ont sorti de force de sa maison, qui a ensuite été détruite.